EDITO DE L'AUTRE LIVRE
Chers adhérents et éditeurs,
Voici l’affiche du salon de printemps de L’Autre Livre du 4,5,6 avril 2025 au Palais de la Femme, signée Loustal et qui invite au plaisir de lire librement, loin des mots d’ordre de la concentration éditoriale et de tout ce qui menace notre liberté.
Beaucoup d'enjeux pour l'édition indépendante ces temps-ci ( Livres et brochures, concentration, voir l'analyse de George Monti).
Les inscriptions au Salon de Printemps d'avril sont ouvertes, n'hésitez pas à nous rejoindre. Il est encore temps.
La suppression du tarif LIvres et brochuses,
un mauvais coup pour le Livre !
Nous invitons nos adhérents et éditeurs à signer cette pétition et à la faire circuler, ou toute autre pétition de cet ordre.
https://www.change.org/p/contre-la-suppression-du-tarif-livres-et-brochures-de-la-poste
Retrouvez-nous à l'espace de l'autre Livre au 13,rue de l'Ecole Polytechnique dans le Ve arrondissement pour plus d'événements : dédicaces, soirées de débat, nouveautés autour de l'édition indépendante, rencontres festives !
L'équipe de l'Autre Livre
Georges Monti des Éditions du Temps qu'il fait nous propose ce texte de réflexion
Désobéir
«À Noël et toute l’année, achetez vos livres à des libraires plutôt qu’à un milliardaire.?»
Lisant cette publicité de l’association Librairies indépendantes en Nouvelle-Aquitaine, qui nous invite évidemment à préférer la librairie indépendante à la plateforme Amazon, je songe qu’il y a d’autres milliardaires dont l’influence dans les secteurs de la presse et de l’édition n’est plus à démontrer.
Fin novembre, une centaine de libraires s’engageaient dans une tribune à «?escamoter les livres Bolloré?». Pourquoi ne pas employer plutôt le mot boycotter ? se demande-t-on.
Eh bien ! pour la bonne raison qu’aucun libraire n’a les moyens de se passer des livres produits par les cinq grands groupes de l’édition française, dont le premier est Hachette (désormais propriété de M. Bolloré et comptant en son sein un grand nombre de marques telles que Fayard, Calmann-Lévy, Grasset, Stock, Chêne, Dunod, Armand Colin, Larousse, Lattès, etc.) et le deuxième Editis (vendu en 2023 par M. Bolloré au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et qui compte, quant à lui, Robert Laffont, Bordas, Nathan, Perrin, Plon, Pocket, Belfond, Julliard, La Découverte, etc.). Le groupe Madrigall (Gallimard, Flammarion, Casterman mais aussi Denoël, Mercure de France, La Table ronde, P.O.L., Verticales, Joëlle Losfeld, Viviane Hamy, Minuit, Bourgois) arrive à la quatrième place et fut, jusqu’en 2013, date de l’entrée de LVMH à son capital, un groupe indépendant.
Le syndicat de la librairie française (SLF), auquel adhèrent de nombreuses librairies indépendantes, remarque dans une étude concernant l’année 2022 que 88 % de leur chiffre d’affaires se fait avec les livres des cinq premiers groupes. On voit par là que leur marge de manœuvre est bien mince et que parler d’indépendance est devenu de plus en plus épineux.
Peut-on demander au lecteur, qui est aussi un client de librairie, de pénétrer ces arcanes pour choisir ses livres avec une conscience plus claire des enjeux auxquels il est soumis ? Doit-on lui expliquer quel jeu de dupes se joue dans cette économie complexe (et dérisoire aux yeux de ses acteurs les plus puissants) pour l’aider à hiérarchiser ses choix, à apprécier les efforts considérables que font certains libraires pour résister à la poussée hégémonique des maîtres de l’opinion ?
Le lecteur ne perçoit pas davantage les difficultés que rencontre un petit éditeur pour être seulement présent en librairie et on ne peut pas lui en vouloir. Tout juste peut-on attirer son attention sur le rôle qu’il lui appartient de jouer en faisant connaître à son libraire ses découvertes, sans complexe d’infériorité.
Au libraire il revient d’exercer en vue du souverain bien de son métier : choisir (ce qui ne signifie nullement boycotter, ni même exclure)?; construire ses tables de nouveautés en gardant un peu de place pour ce qui échappe à l’opinion dominante?; ne pas ignorer ce qui, dans l’exception de ses rayons, relève de l’alibi et ce qui, dans ce qu’il considère comme sa singularité, est télécommandé. Élire librement sans chercher à plaire. Désobéir. Et défendre les bons auteurs qui ont besoin de lui, comme ils ont besoin des petits éditeurs sans lesquels ils n’auront bientôt plus la possibilité de publier correctement leurs livres.
On a chanté sur tous les tons l’exception culturelle française, la Loi sur le prix unique du Livre et d’autres louanges à la Politique culturelle de notre pays qui aurait compris, lui, que le livre n’est pas «?une marchandise comme les autres?», permettant ainsi «?le maintien d’un réseau de librairies dense et diversifié?» et une pluralité éditoriale à nulle autre pareille ! Et on s’est endormi sur cette certitude en ignorant que ces orientations vers une prétendue démocratisation marchaient de pair avec ce que l’industrie de la culture (en particulier par le développement des outils numériques) aurait tôt fait de récupérer pour son compte.
Bref ! Plus que jamais nous devons comprendre qu’il n’y a pas de liberté de publier sans un accès suffisant aux œuvres publiées. Et que cela suppose que la librairie indépendante se souvienne que le soutien à l’édition indépendante se trouve au cœur de ses missions essentielles, puisque l’une et l’autre se sont fondées sur les mêmes idéaux, puisque l’une et l’autre travaillent pour la même noble cause.
Georges Monti