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l'autre LIVRE

Poc !

Génial et génital

de Soth POLIN

Poc ! (GRAND OS (LE)) | Paru le 02/10/2017 | 12,00 €

Pour beaucoup, le Cambodgien Soth Polin est l’écrivain d’un seul livre, L’Anarchiste, livre culte écrit en 1979, quelques mois après la chute du régime de Pol Pot. Il existe pourtant d’autres pépites, inédites en français, comme ce Génial et génital, publié dix ans plus tôt, où, avec une hargne et une lucidité extrêmes, l’auteur ruminait déjà ce désespoir proprement « polinien », désespoir à la fois personnel (je suis un minable), historique (la décadence, depuis Angkor) et métaphysique (il est humiliant d’être humain).

« La gueule fendue jusqu’aux oreilles ! GÉNIAL ! Un bon coup de burin dans la tête ! GÉNIAL ! Croître, vieillir et mourir ! GÉNIAL ! Tout ça parce que ma femme est une pondeuse de concours ! Sniff ! Sniff ! Quel parfum atroce et divin ! Atrocement GÉNIAL ! Divinement GÉNITAL ! »

À chaque nouvelle humiliation, à chaque nouveau coup porté à leur dignité, les personnages des quatre nouvelles de ce recueil en redemandent. Communiquer, disent-ils, Ordonne-moi d’exister, La mutation des êtres, C’est comme tu veux, Na, le ton est donné : les narrateurs, doubles de l’auteur, sont des faibles, moins soumis à la tyrannie de leur « petite-sœur » qu’à la spirale de leur désir masochiste. Un enfer (bouddhique) des passions où la jubilation et le rire, un rire sauvage, omniprésent, un rire nietzschéen, sauvent l’auteur et son œuvre du cynisme et de la noirceur.

Nocturama : textes-rêves & hypnagogies

de G-Mar .

Poc ! (GRAND OS (LE)) | Paru le 14/11/2014 | 12,00 €

Des villes s’écroulent dans des expériences de mort imminente – Des mercenaires virtuels traversent plusieurs guerres, exhumant au passage l’histoire familiale du rêveur de la fange des siècles – Une descente dans les limbes d’un continent sud-américain le mène jusqu’à la révélation d’un soleil fondu dans la bouche – Une fille conduit sous acide dans un paysage de campagne parsemé d’industries appelées à s’écrouler à la suite du mur de Berlin – Un amour de jeunesse refait surface sous les traits du personnage de Caddie dans Le bruit et la fureur de Faulkner – Des flics américains en carton déferlent toutes sirènes hurlantes jusqu’au seuil d’une inquiétante maison freudienne – Des images des attentats du 11 septembre défilent en boucle sur les eaux sénégalaises du Saloum…

Passablement étrangers à la psychologie des profondeurs, aux grandes effluves de l’introspection comme aux simples fantasmagories de l’absurde, les "récits" qui composent Nocturama esquissent la cosmologie mentale d’un monde en première personne du singulier dont la physique particulière, et les lois qui en régissent l’ordre sensible, est sourde aux règles de la narration bien comprise (espace homogène et temps des horloges). Si les rêves appartiennent ainsi à des temps pré-historiques (pré-narratifs), reste qu’ils s’ancrent dans l’inéluctable biographie du rêveur – son propre passé – mais aussi l’histoire impersonnelle à laquelle il appartient : l’histoire familiale en premier lieu (reçue en héritage), et l’Histoire tout court, ce cauchemar dont on essaie de s’éveiller comme le souligne Stephen Dedalus dans Ulysse. Mixte de matière personnelle et impersonnelle, ce recueil fait signe vers ce qu’on pourrait appeler de nouvelles mécaniques lyriques.

Quoi faire

de Pablo KATCHADJIAN

Poc ! (GRAND OS (LE)) | Paru le 05/05/2014 | 12,00 €

Une question insoluble posée par un étudiant géant d’une université anglaise déclenche une série d’options invraisemblables qui se présentent aux deux protagonistes, Alberto et le narrateur, comme autant de sentiers qui se télescopent plutôt qu’ils ne bifurquent. Le pari de Pablo Katchadjian est osé autant que rusé, puisque on y trouvera tous les ingrédients laissant supposer qu’on est en train de lire un roman. Et, effectivement, c’est un roman, dans lequel les éléments constitutifs du genre sont tous au service de la langue et d’un ordre narratif singulier : l’intrigue, non linéaire, est une suite jubilatoire de croisements, de cercles, d’ondes de fréquences variables ; les personnages – élèves, soldats, simples d’esprit, buveurs… – se transforment en systèmes aberrants ; les décors – universités, tranchées, tavernes, bateaux, banques… – se substituent les uns aux autres sans toutefois ébranler la structure. Si les contenus sont irrationnels, dit le narrateur lors d’un énième retour à la scène de départ, le système des contenus, lui, est la seule chose rationnelle et nous devrions compter là-dessus. Peut-on compter sur l’avertissement pour décrypter la logique de ces rêves imbriqués ? Serait-ce au contraire un rapport mystérieux ? Une hypothèse erronée ? Un terrain miné ? Un double ? Une simple blague ? Et pour rejoindre cette île où il y a tout, faut-il plonger ou rester sur un pont qui est aussi un bateau ? Que décider ? Que faire ? Si le narrateur n’en sait rien, Alberto, lui, saura sûrement quoi faire 

« Le grand roman contemporain de l’expansion, du foisonnement, de la mutation du sens. (…) Le chef-d’œuvre de Katchadjian. Un chef-d’œuvre tout court. » 
Damián Tabarovsky