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l'autre LIVRE

120°

Il y a poésie

de Mathias LAIR

120° (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2016 | 17,00 €

Mathias Lair cherche une voie à la poésie aujourd’hui. Il le fait abruptement, avec humeur. Sans doute est-ce dû à la forme de ce livre, courts textes qui étaient à l’origine des chroniques écrites pour la revue Décharge, privilégiant souvent les formules lapidaires, non dénuées d’humour, ici regroupées suivant un ordre plus logique que chronologique. Et sa méthode (si ce mot peut correspondre) est simple : prenons une idée qui prévaut par son évidence et décortiquons-la. Qu’en reste-t-il ? Comme une compromission à l’air du temps, à un moment contemporain qui se confond avec le libéralisme… à ce temps d’aujourd’hui, si dépourvu des quelques repères nécessaires à reconnaître que poésie, il y a. Car Mathias Lair ne raisonne pas la poésie en vase clos, il n’éloigne pas ce qui se fait (ou pas) en poésie avec ce qui se passe dans l’art (notamment plastique) ou avec l’état désastreux de notre société.

L’auteur recherche donc ce qui peut faire poésie, à « l’étroit », entre ce qui serait un retour au moderne (mais mieux vaut sûrement cela, même s’il ne s’agit que de continuer « à susurrer, dans la nostalgie des bouts rimés »…) et une illusion contemporaine où règne l’éphémère, où n’existe plus que l’expérience d’un moment sans poème…

Sur le métier

de Jean-Pascal DUBOST

120° (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 28/04/2014 | 12,00 €

 

Sur le métier est une reprise – revue et nettement retravaillée – des « Entretiens infinis » qu’a consacrés Florence Trocmé à Jean-Pascal Dubost sur son site Poezibao. À travers ses questions, l’auteur répond – dans sa langue si singulière – à celles que beaucoup de lecteurs se posent : d’où vient le poème ? qu’y a-t-il avant que celui-ci existe ?

Jean-Pascal Dubost y développe ce qui fait « métier » dans son travail de poète. Il y pourfend quelques idées courantes. La poésie n’est pas autobiographique et  l’auteur fait appel à la fiction et à une nécessité : « m’éloigner de moi » ; par l’imagination, il invente en quelque sorte un auteur. Il ne s’agit donc pas de passage du singulier à l’universel, mais d’« invention », car « se projeter dans l’universel, c’est balancer un ego gouverneur et surdimensionné à la face du lecteur », dire en quelque sorte « je suis le monde ». Il ne s’agit pas non plus d’« inspiration » : « l’écrire créatif est le moins du monde naturel » et « devient une décision », violente, face au « harcèlement sournois et quotidien […] qui incite l’homme à le priver de sa lucidité, à l’aspirer dans la dépossession de son intelligence ». Le poème n’est donc pas « une adresse de cœur à cœur », mais une « émotion intelligente » ; intelligence en ce qu’il incite « à penser ».

Les mots ne meurent pas sur la langue

de Gilles PLAZY

120° (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 28/04/2014 | 8,00 €

 

La poésie a affaire (à faire) avec la langue ? C’est entendu… Gilles Plazy, avec ces petites notations, s’essaye à poursuivre au-delà. Ce qui est sûr c’est que la poésie échappe aux règles du discours – surtout celui de la « mélasse médiatique » – et au jeu social du sens. La poésie serait « l’autre de la prose » et se situerait « aux limites de la langue » : entre éruption et brisure, elle « déroute la signifiance », « au risque de l’incompréhension », mais au profit d’un « délire » qui fait communauté.

Ainsi la poésie ne peut-elle servir à l’affirmation d’un quelconque « moi identitaire » ; ni ne veut que l’ego du poète prenne poids ; elle n’a pas non plus comme dessein de faire « œuvre » – « cette folle obsession » d’une totalité absolue ; et enfin, la fabrication « des chimères » ne peut tenir lieu au poète d’art poétique.

La poésie est d’abord expérience, une « saisie de l’abîme » pour mieux s’éloigner – dans un beau retournement – du « néant », trop parsemé de « raison raisonnante », trop étouffé de « logique restrictive ». La poésie est cet espace du « questionnement sans fin de l’homme sur lui-même et sur son rapport au monde ».

Notes vives sur le vif du poème

de Jacques ROMAN

120° (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 28/04/2014 | 8,00 €

 

Ces Notes vives sont des « lambeaux d’une conversation avec la présence et l’absence du poème », ou des « traces méditatives ». Ne comptons pas donc sur Jacques Roman pour nous expliquer le poème, car ces Notes, bien qu’« elles révèlent des chemins… n’en tracent aucun. » Elles « ne sauraient délivrer un savoir ­­sur le poème. Elles ne font que rôder autour de lui ».

Nous le suivons ainsi en ses chemins, nous divaguons avec lui comme serpente l’eau vive. Sensualité, tremblements de la chair, désir… on est saisis par cet appétit pour la puissance d’un dire rebelle et transgressif, qui toujours arrive et surprend – et la poésie n’a ici « d’autre nom que vie », et le poème, « corps de la parole ». « L’écriture d’un poème est cet acte d’un insensé faiseur de miracle, ressuscitant ce corps premier »… « un corps déchiré. » Et « sa source est le chant, le chant né de la première joie et du premier deuil, le chant où les mots entendus pour la première fois… ».

Mais n’oublions pas que « la clef du poème n’appartient à personne. Elle est appelée à être perdue. Une autre clef ouvrira le poème, une autre clef appartenant à qui lira, elle aussi appelée à être perdue, et tant, tant de clefs… ». C’est « le vif » du poème d’être sans cesse lu et relu, après avoir été porté par son auteur, qui toujours ignore où veut bien l’emmener cette évidence qui s’ouvre en lui.