Quelquefois des événements que l’on croyait définitivement enfouis remontent du passé et nous télescopent avec une violence que nous n’aurions jamais pressentie. C’est ce qui se passe pour le héros quadragénaire de ce petit roman qui se voyait déjà enlisé dans un ensemble d’habitudes rigides et mortifères ; mais qui découvre brusquement une plasticité jusque là insoupçonnée. Vaguement prof de français et écrivain, obstinément gourmand de femmes et de séduction, il est venu se reposer quelques jours dans la vieille maison familiale du midi de la France : rapidement surgissent des souvenirs, des sensations, des odeurs qui le ramènent vers son enfance et qu’il note dans son journal. Entouré de sa sœur, de son beau-frère, de sa nièce adolescente et d’une amie de celle-ci, sans oublier Gustav Mahler dont il est en train de lire une biographie, il se sent comme absent parmi les autres. Lorsque surgissent brusquement d’une vieille malle le livret militaire et quelques cartes postales jaunies du grand-oncle Hector mort à vingt ans pendant la Grande Guerre, là-bas en Serbie. En quelques enjambées le coureur foudroyé va rattraper son neveu coureur de jupons. Le passé cesse dès lors de se confondre avec le présent. Accroché aux basques de son oncle, le prof est prêt à reprendre la course pour la vie. Le goût pour l’écriture, pour la musique et pour l’amour va désormais renaître.

Les quinze textes rassemblés ici risquent de susciter chez certains lecteurs la nostalgie d’une époque où ne régnaient pas encore l’hypocrisie morale et le conformisme ayant désormais envahi notre bonne vieille Europe. Une époque où les jeunes filles n’avaient pas l’impression de subir un viol chaque fois que quelque adulte venait à les complimenter sur leur charme ou les invitait poliment à boire un verre en sa compagnie. D’autres par contre, seront choqués par la faiblesse de cet enseignant prompt à se laisser attirer par ses ouailles loin des lieux où il est sensé leur transmettre tout ou partie de son savoir. S’intéresser trop vivement à l’une de ses élèves, quelle faute impardonnable?! Il semble impossible qu’une honnête jouvencelle puisse désirer ce type de relation. Seul un monstre peut songer à la contraindre à d’aussi basses turpitudes. L’auteur de ce petit livre se garde bien quant à lui de préciser ses intentions?; préférant laisser à son lecteur la liberté de choisir entre confession sincère, provocation insigne et fiction bien tempérée. Brouiller les pistes semble être le seul moyen auquel il ait songé afin de se garder des zélés représentants de la nouvelle police des mœurs.