Les merles moqueurs
(A PLUS D'UN TITRE) |
Paru le
17/02/2009
|
8,50 €
Extrait...
Mondialisation, mondialité, pierre-monde. (par Patrick Chamoiseau)
Le cheminement - Un écrivain c'est quelqu'un qui chemine de manière singulière vers un inatteignable nommé "littérature". Dans le cadre de cette proposition, on peut admettre que le poète suit des pistes de voyance vers la poésie, et que le romancier s'invente une trace vers l'idée du roman. Ce qui produit une œuvre, c'est ce cheminement qui n'aboutit jamais mais réalise deux choses.
Si l'on à affaire à un grand important, la première vertu de ce cheminement serait d'augmenter l'histoire de la littérature d'une trace singulière, innovante, pleine de ce bouleversement inattendu où surgit la beauté. La seconde serait de permettre à ce créateur de régenter un chaos intérieur, une catastrophe intime, où les désirs d'exploration de soi, de l'humain, du Vivant et du monde, s'érigeraient en instances essentielles. Ainsi, de livre en livre, et si tout va pour le mieux, l'écrivain élabore pour lui-même un mieux-vivre, tout comme il peut, bien entendu, exacerber une impossibilité de vivre.
Tout artiste chemine ainsi vers une compréhension de l'art qui est le sien. Et il passe généralement sa vie à cheminer sans fin, à se construire dans ce chemin. Le plus extraordinaire, c'est que si la lirtérature (ou I'Art en général) demeure inatteignable, c'est parce que ces cheminements solitaires qui se rapprochent d'elle, ne font que l'éloigner. Ils l'éloignent d'autant plus, qu'à chaque pas véritable, ces cheminements la redéfinissent, lui ouvrent des horizons, des impossibles, des indécidables, et la préservent, de génie en génie, de la stérilisation d'une réussite et des abîmes d'une certitude.
C'est pourquoi, il y a toujours un inabouti dans les oeuvres de l'Art, comme dans la littérature, comme dans l'élaboration d'un roman. Pour évaluer ses ouvrages, Faulkner mesurait l'éclat de leur échec. Plus l'échec était grandiose - à force d'audace, de courage, d'endurance opaque - mieux l’œuvre ouvrait à la consolation et à l'amorce d'une nouvelle tentative. Car, en la matière, la perspective la plus feconde est celle qui maintient, et qui approfondit, l'indécidabie, l'indéfinissabie, les perspectives toujours fecondes de l'inatteignable. En fait, on chemine vers son art pour ne pas y arriver : on demeure désirant...
Le paysage de la mondialisation - Pour l'écrivain d'aujourd'hui, le contexte du cheminement est celui d'une mondialisation. Le paysage dans lequel il chemine, ce n'est pas sa seule langue, sa société de référence,sa seule urgence localisée, même si tout cela peut constituer ( comme le dit avec raison Milan Kundera) un "petit contexte". Il se trouve désormais en face du monde, comme au débouché d’un immense paysage. Un paysage indéchiffable, avec ses possibles, ses écrasements, ses vertiges de souffles et de possibles à définir.