Lettre ouverte au ministre de la Culture
Publié par l'autre LIVRE le
à M. Franck Riester, Ministre de la Culture
Paris le 20/03/2020
Monsieur le Ministre,
En tant que président de l’association L’Autre livre qui réunit 248 éditeurs indépendants, je m’adresse à vous pour attirer votre attention sur la situation du livre et de nos maisons d’édition.
Comme l’ensemble des citoyens, les éditeurs et les auteurs participent aux mesures de confinement dont nous espérons qu’elles se révéleront utiles pour contrer l’épidémie actuelle.
Mais à l’inquiétude créée par la crise sanitaire s’ajoute une préoccupation de caractère économique.
Du fait de la fermeture des librairies et de l’annulation des salons et manifestations publiques autour du livre, nos maisons d’édition voient leurs ventes réduites quasiment à néant.
La solution ne consiste sans doute pas à autoriser la réouverture des librairies avant que le confinement ait pris fin.
Par contre plusieurs dispositions nous semblent nécessaires.
Tout d’abord nous voulons nous assurer que les petites maisons d’édition, qui sont des éditeurs indépendants, pourront bénéficier des mesures générales annoncées par le gouvernement (report des charges et des impôts, indemnité de 1500 euros pour ceux qui ont perdu leur chiffre d’affaires, fonds d’aide et facilités de trésorerie). Les modalités concrètes d’application de ces mesures ne semblent pas toutes opérationnelles et beaucoup d’éditeurs ne sont pas informés des démarches à suivre pour en bénéficier.
Nous sommes prêts pour notre part à relayer les informations utiles auprès de nos adhérents.
Ensuite, comme beaucoup de libraires et d’acteurs de la profession, nous nous inquiétons de voir que certains géants du commerce en ligne, (notamment Amazon) profitent de la situation d’une manière éhontée. Non seulement ils occupent largement le marché des commandes de livres, mais ils font pression sur leurs salariés et paraissent au-dessus des lois (tant en matière de fiscalité que de droit du travail et de respect des mesures d’urgence sanitaire).
Outre le nécessaire rappel à l’ordre que cela suppose, nous attirons votre attention sur le fait que la vente par correspondance n’est pas et ne doit pas être l’apanage exclusif de ces groupes. De nombreux libraires, des distributeurs et des éditeurs tentent aussi d’y avoir recours.
Dans ces circonstances, au moment où le président de la République invite les Français à renouer avec la lecture, il serait urgent de faire droit à une revendication maintes fois réaffirmée par notre association : que le livre bénéficie, à l’instar de la presse depuis la Libération, de tarifs préférentiels en matière postale. Car la lourdeur des tarifs postaux est une charge tout à fait importante pour les différents acteurs de la chaîne du livre et une entrave à la lecture.
Nous demandons aussi que le gouvernement intervienne auprès des banques afin que celles-ci tiennent compte de la situation actuelle et fassent preuve de souplesse concernant la gestion des comptes professionnels des éditeurs indépendants et leurs autorisations de découvert.
Les sommes considérables que l’État va débloquer pour garantir les emprunts bancaires ne doivent pas aller à la spéculation mais à l’aide à l’activité réelle, y compris dans le secteur culturel et du livre.
Enfin, par-delà cette crise dont nous espérons tous que nous parviendrons rapidement à la surmonter, il nous semble qu’il faut remettre en chantier une réflexion collective sur la politique publique de la lecture. Celle-ci ne peut pas être un plaisir et une source de connaissance et de réflexion réservés à une petite minorité.
Nous sommes pour notre part disponibles pour participer à ce chantier.
Je vous prie de croire, monsieur le Ministre, en l’expression de ma considération,
Francis Combes
Président de l’autre LIVRE