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l'autre LIVRE

hors collection

De la migration comme souffrance à la mobilité comme droit de l'homme - Palerme une charte de la dissidence

de Jean DUFLOT

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 01/10/2019 | 3,00 €

Jai décidé de dire et de redire aux Européens quils nont pas à être fiers de construire leurs murs contre les migrants, parce que nous sommes responsables dune ébauche de génocide qui rappelle les moments les plus atroces de notre histoire. Il na certes pas lenvergure de la solution finale nazi-fasciste. Mais ce quil y a de désolant dans la résurgence de ce moment de barbarie, cest lalibi de la défense de la démocratie, que les pouvoirs publics et une large fraction des populations européennes sous hypnose médiatique, invoquent pour justifier leur intransigeance européo-centriste. Dans le contexte de panmédiatisation actuelle, cette violence publique est intolérable. Nos grands-parents, nos parents pouvaient dans les années quarante quarante-cinq, prétendre à la rigueur quils ne savaient pas, mais à présent que le malheur et lhorreur sont promus comme marchandises télévisuelles, il nest plus possible de se fermer les yeux, les oreilles et la bouche. Ou de ressasser le slogan de la libération : « Plus jamais ça ». À croire que lamnésie est la chose la mieux partagée au monde.

Leo Luca Orlando Maire de Palerme extrait de l’interview par Jean Duflot (2017)

L'évènement Gilets jaunes

de .../TEMPS CRITIQUES

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 13/05/2019 | 10,00 €

Le caractère inattendu et atypique du mouvement des Gilets jaunes a souvent été souligné. Ce soulèvement échappe à tous les modèles. En effet, il n’est pas dans la continuité historique de ce qu’ont été les luttes ouvrières dans leur perspective émancipatrice, pas plus qu’il n’est en phase avec les revendications particulières d’aujourd’hui : néo-féminisme, identités sexuelles, cause animale, décoloniale, etc.

Sans lien direct avec le travail, sans médiations politiques ou syndicales, sans chefs ni représentants, sans utopie, l’événement Gilets jaunes s’affirme avec une force collective inédite et il la conserve dans la durée. Les solidarités pratiquées sur les ronds-points, dans les blocages de péages et autres, dans les manifestations de rue et les assemblées populaires, expriment une aspiration à une communauté humaine sous la forme encore partielle de la lutte commune et du « Tous Gilets jaunes ». Cette aspiration passe par l’exigence immédiate de justice fiscale et sociale, de pouvoir d’achat, d’égalité, de contrôle permanent des élus. Elle conduit le mouvement des Gilets jaunes à un affrontement direct avec l’État et son appareil de répression.

Cette opposition générale à un État normalisateur, rançonneur et répressif n’implique pas le rejet de toute forme politique supérieure, mais exprime plutôt l’aspiration à une république plébéienne. Une forme potentielle, aujourd’hui tiraillée entre des références jacobines (la Constituante), des références de type démocratie directe (le RIC) et des références communalistes (l’appel de Commercy et l’assemblée des assemblées).

 

Sont rassemblés dans ce livre des textes d’intervention et des comptes rendus d’actions rédigés au fil de la lutte. Les auteurs sont des membres de la revue Temps critiques et des participants au collectif « Journal de bord » accueilli sur le blog de la revue. Tous sont protagonistes du mouvement des Gilets jaunes depuis l’acte II. 

PALERME VILLE OUVERTE

de Jean DUFLOT

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 04/04/2019 | 25,00 €

Avant-propos de Jean Duflot :

    Quatre séjours  d'une semaine  entre l'automne 2016 et le printemps 2018 dans la capitale sicilienne, c'est sans doute un peu court pour rendre compte du projet qui s'y développe depuis le début de la décennie. Ouvrir les portes de la ville à l'immigration qui afflue de l'Orient et des territoires africains, dans le prolongement de celle des pays de l'est (Roumanie, Bulgarie, Albanie, Yougoslavie), tel est l'objectif que cette cité portuaire s'est donné, en marge de la politique de fermeture européenne. L'enquête du Forum Civique Européen que nous publions a été entreprise dans le sillage d'un certain nombre de réactions médiatiques (Woz, Le Monde, The Mirror...) à des propos du maire  Leo Luca Orlando, promoteur en 2015 d'une Charte de mobilité en rupture totale avec la stratégie de l'UE. Selon lui, un journal allemand aurait même écrit « qu'en pensant à Palerme l'Europe devrait avoir honte ».    
    Dans le propos qui suit le lecteur réprouvera peut-être une certaine froideur qui ne convient pas au constat d'une tragédie où ont péri, jour après jour, en Méditerranée, des milliers de nos semblables. Simple principe de précaution pour ne pas se cantonner dans le casting des figurants de la déploration rituelle . La rhétorique larmoyante qui tient lieu de véritable compassion n'a pas fait progresser jusqu'ici la solution politique qui mettrait fin à l'hécatombe. Elle permet à un certain nombre de paroissiens du café du commerce ou aux bureaucrates de la raison d'Etat de se dédouaner de leurs responsabilités respectives. Aux citoyens lambda d'estomper leurs fonds de préjugés plus ou moins xénophobes, pour ne pas dire racistes; aux gestionnaires des démocraties droit-de -l'hommistes de déplorer qu'elles ne peuvent pas « accueillir toute la misère du monde » (1). La pitié mondaine, le front chagrin et les cils battant d'émotion, la flute de champagne en main, n'est pas une spécificité des vernissages. Elle opère parfois de bouleversantes conversions sous les lambris du pouvoir. Comme celle de ce ministre de la justice de la République française qui s'apitoya jadis, en un moment de faiblesse humaine, sur « les cercueils flottants » des boat-people de l'époque (2).
    De l'autre côté des Alpes où notre investigation s'est préoccupé du défi de Palerme, ce genre d'émotion rétrospective ne risque pas de faire larmoyer l'actuel Ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini. Il rêve de surpasser en férocité ubuesque la pugnacité berlusconienne où l'un de ses commis  énonça  jadis le projet de faire canonner les envahisseurs des années 90-93. A vrai dire le consensus  de tous les Etats de l'UE responsables de la gabegie de vies humaines aujourd'hui légalement organisée nous dispense de procéder à une quelconque hierarchie des compassions nationales. Hormis quelques casaques rouges, au demeurant défraichies,  nostalgiques d'une humanité « humaniste », toutes les couleurs du spectre politique rivalisent dans la compétition sécuritaire du rejet de l'immigration. Au nom de l'ordre, du bien commun et d'une inquiétante interprétation de tous les traités internationaux.
L'initiative même de cette enquête devrait nous disculper de la rareté pathétique de notre narration.
    C'est que le parti pris en a été de laisser aux lecteurs le soin de consulter les médias pour
prendre la mesure du désastre en cours. Ils se sont tellement dévoués pour en communiquer la nécrologie qu'ils nous dispensent de procéder à une comptabilité minutieuse des victimes de la traversée des déserts africains et de la mer Méditerranée. 20, 30, 40.000 personnes, enfants, femmes et hommes ? Aucun recensement n'est aujourd'hui possible. Le sera-t-il un jour ?...
Palerme, ville ouverte ? Notre déambulation, sans doute trop brève dans cette ville portuaire du sud, s'est efforcée de rassembler les indices du bien fondé d'une telle intitulation inspirée par le lecture de sa Charte. Ce sera un peu notre mémorial dédié à toutes ces victimes que de témoigner de l'accueil des survivant(e)s que cette grande métropole européenne ose entreprendre, en porte à faux avec l'indifférence réglementaire.
    En parcourant le dispositif réticulaire déployé dans ce débarcadère palermitain où ont été acheminés des milliers de transfuges de la précarité et des guerres, il a fallu rassembler des données qui ont parfois l'aridité d'une nomenclature abstraite. C'est que la dynamique d'insertion s'inscrit dans un contexte où l'économie, dans l'acception la plus large du terme, se réfère à des critères d'évaluation en grande partie quantitative . L'évaluation des secteurs où se réalise le processus d'intégration citoyenne (accès au droit commun par l'habitat, l'emploi, l'éducation scolaire, l'assistance sociale et sanitaire) requiert une certain nombre de données significatives. Les commentaires sociologiques ou politiques ne suffisent pas à rendre compte de l'état des lieux et des opérations en cours. Pour prendre la mesure de celles qui s'emploient à valoriser l'apport de l'immigration, ils ne peuvent pas se passer d'une certaine arithmétique sociale.
    D'avantage avenante devrait être sans doute l'information relative à la dimension culturelle de l'hospitalité palermitaine. Elle convaincra plus agréablement le lecteur de l'exemplarité de ce qui s'organise dans ce havre de l'extrême sud du continent occidental. La culture pourrait bien être le stratagème qui est en train d'ouvrir une brèche dans la grande muraille de la Forteresse Europe : au grand dam des élites policières et militaires comme Frontex (3) qui sont censés en garantir l' invulnérabilité.           
    En définitive, c'est à partir de cette Charte de Palerme, sous-titrée « De la migration comme souffrance à la mobilité comme droit inaléniable de l'homme » que nous avons décidé d'explorer un territoire où se met en place une alternative à la liturgie sacrificielle del' Europe. Dans le dédale de cette ville portuaire où cohabitent Palermitains et plusieurs dizaines de communautés étrangères , ce n'est pas seulement de l'étendue de la perte humaine actuelle dont on prend conscience, c'est aussi de celle de notre propre humanité.   

 

Le bonheur n'est réel que partagé : 40 ans d'éducation populaire

de Michel MAZZIOTTA

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 05/02/2019 | 18,00 €

À travers ses rencontres avec Raymond Devos, Claude Nougaro, Nina Simone, Pierre Desproges, Michel Petrucciani et bien d’autres, l’auteur évoque nombre d’anecdotes croustillantes, dans cet ouvrage.
Acteur de l’Éducation Populaire, des années 1970 à nos jours, il ne se contente pas que d’observer, mais d’agir, notamment auprès des jeunes : création avec d’autres des premières sections A3 cinématographiques au lycée, mise en œuvre du ticket culturel jeune, mise en œuvre de tremplins nouveau talents... Il dirige par ailleurs de nombreux festivals : Musique et cinéma, Festival du cinéma Français à Vienne et dans l’Isère, du mois du Jazz à Vienne, de Jazz en Baie, de Mont-Blanc d’Humour, du festival des Arts Burlesques, de Jazz sous les Palmiers ; mais aussi de plusieurs Théâtres : de Saint-Gervais, du nouveau Théâtre Beaulieu, du ciné-théâtre le Club, et de nombreuses MJC.
Il constate avec effroi la disparition progressive des MJC et avec elles de l’Éducation Populaire, depuis les années 1980; il veut les remettre au devant de la scène en les réactualisant. Il lance alors le concept de Théâtre International de Quartier, véritable outil de transformation sociale et culturelle.
Pour ce faire il décrypte le mal des banlieues, tout en proposant des solutions opérantes.
Enfin il revisite les concepts de démocratisation culturelle, d’exception culturelle, de démocratie participative, grâce à une dialectique reliant en permanence la théorie et la pratique.

 

FRESNES - Tout le monde descend

de Louis BERETTI

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 14/11/2018 | 15,00 €

Un jour, notre rejeton défait son corset. « Le petit » s'est retourné sur lui-même et présente au jour l'intérieur, la face cachée de ses ressentiments. Il vous échappe. Tout s'écroule. Il ponctue d'une façon définitive l'incapacité de votre vécu.empli de vacuité. La jeunesse a horreur du vide. Quand elle est prise de vertige elle emporte dans son tourbillon, et détruit sur son passage, toutes les normes du système dans lequel vous comptiez l'enfermer.

 

Leptocéphales

de COMBOR

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 28/03/2018 | 10,00 €

Leptocéphales
conte réaliste

Quel lien peut-il exister entre le commerce des anguilles et des disparitions subites d’habitants ? Entre Gnygir et Bourg-du-Lac, dans le département du Rhône, la rivalité entre communes se joue autour d’un pont et la perspicacité d’une petite fille.
Autour d’une cheminée familiale, entre chien et loup, laissez- vous porter par les rodomontades du conteur, qui sans doute, en rajoute un peu, pour le plaisir des frissons fluviaux.

(pour l’illustration)
documents retrouvés au domicile du défunt lors de son enquête de police par le commissaire principal Dumesnil

 

MAI-68 À LYON

de Jacques WAJNSZTEJN

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 07/02/2018 | 12,00 €

« Nous avons bien été battus, mais nous ne voulions pas non plus "gagner" ; ce que nous voulions, c'était tout renverser … ».
Mai-68 n'a pas été une révolution, mais plutôt un mouvement d'insubordination qui n'a pas connu son dépassement. Il trouve son sens dans le moment de l'événement lui-même, où les individus, au-delà de leur particularité sociale, sont intervenus directement contre toutes les institutions de la domination et de l’exploitation capitalistes.  
À Lyon, étudiants du campus de la Doua, élèves du lycée Brossolette à Villeurbanne, jeunes prolétaires de la M.J.C. du quartier des États-Unis, trimards des bords de Saône, mais aussi ouvriers de Berliet dévoilant l'anagramme "Liberté" y ont joué un rôle de premier plan.
Mouvements ouvrier et étudiant paraissaient capables de converger à la faveur des liens tissés dès 1967 pendant les grèves exemplaires de la Rhodiacéta. Les conditions plus favorables de la grève généralisée en mai 1968 ne débouchent pourtant pas sur une union décisive et les grévistes de la Rhodiacéta n'assument pas le rôle d'entraînement auquel on aurait pu s'attendre, auprès des autres ouvriers de la région.
Le mouvement collectif, exubérant et anonyme connaît son acmé pendant la manifestation et la nuit du 24 mai. Son reflux se manifeste d'abord par l'attaque de la faculté des Lettres par l'extrême droite et les milices gaullistes le 4 juin, puis par la reprise du travail aux P.T.T. dès le 8 juin et à la Rhodiacéta le 10, même si à Berliet, la grève s’étire jusqu’au 20 juin.

Ni témoignage ni travail d’historien, Mai-68 à Lyon est le récit circonstancié et argumenté de ce mouvement par l'un de ses protagonistes, alors membre du Mouvement du 22 mars lyonnais et actuellement co-directeur de la revue Temps Critiques.

 

CATALOGUE DE L'EXPOSITION LES PAYSAGES HUMAINS : François Maspero libraire, éditeur, écrivain

de COLLECTIF

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 26/10/2016 | 15,00 €

Un retour sur une période de l’histoire du monde (1959-1982) et sur une maison d’édition originale, originale dans sa forme (une véritable œuvre collective), dans son catalogue et dans l’aide apportée à la compréhension du monde pour les lectrices et lecteurs. Les livres ont une histoire longue. Une réflexion sur l’état de l’édition aujourd’hui et de la diffusion du livre en France et sur l’importance de l’édition indépendante. En s’inspirant de deux textes écrits par François Maspero : le premier Main basse sur l’édition (La Quinzaine littéraire, 2005), autour du livre de Schiffrin aux éditions La Fabrique L’Édition sans éditeur et le second à propos de l’héritage des éditions Maspero (revue Médium, décembre 2004). Une rencontre avec François Maspero, écrivain, chroniqueur et traducteur. Cette rencontre s’organisera autour de trois réflexions : La première est celle contenue dans l’aphorisme de René Char « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil », car derrière « le sourire du chat » se cache l’exigence de la lucidité.
La deuxième est celle de Michel Piccoli dans une interview à France Culture « Maspero est un héros moderne en révolution, pas en révolte ; il est toujours actif, tant pis s’il en rougit. Ce n’est pas un renégat. Maspero est un homme d’exil intérieur... » La dernière est celle énoncée par Edwy Plenel dans la préface de L’Honneur de Saint Arnaud dont nous retiendrons ici ces quelques mots « les salauds de tous les partis ont sans doute crié victoire quand en 1982 ils ont vu François Maspero renoncer à son métier d’éditeur. Mais ils se sont réjouis trop vite : ils avaient oublié l’auteur.... L’inquiétude qui est l’antichambre de l’espérance. Cette inquiétude qui ne cessera d’animer pour notre bonheur, François Maspero... En couverture de son premier livre Le sourire du chat où se lisent les blessures qui l’ont façonné, Maspero glisse cette confidence longtemps retenue : “j’ai peiné à retrouver le sens du mot liberté”. J’invite à le lire tout simplement parce que ce mot, il nous l’a appris. »

ROMS, VOYAGES CHEZ LES AUTRES

de Jean DUFLOT

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 26/10/2016 | 25,00 €

Comme Observatoire libre de toute contrainte officielle, le Forum Civique Européen exerce ici son droit d’alerter l’opinion sur l’une des dérives aberrantes de la plupart des Etats de l’UE. Entendons le sort qu’elle réserve aux minorités roms présentes dans le sacro-saint Espace Schengen et qui semble réactualiser le « problème tsigane » du très nationaliste vingtième siècle de triste mémoire.
Évidemment, dans le contexte migratoire actuel cette enquête qui s’efforce de comprendre la nouvelle dynamique d’exclusion qui maintient ces populations en marge des sociétés occidentales, notre démarche paraîtra peut-être dispropor- tionnée. Les questions et les objections plus ou moins tendancieuses ou malveillantes ne manqueront pas d’en relativiser le projet. Précisons que notre recherche s’est délibérément limitée à deux des pays de la communauté européenne, la France et l’Italie, où l’on réserve aux « tsiganes » en général et particulièrement aux migrants roms des pays de l’est un accueil pour le moins inconfortable. Son enjeu déborde la problématique créée autour d’eux et l’ensemble des interrogations auxquelles le texte qui suit va tenter d’apporter quelques éléments de réponse montrent qu’elle est une variante exacerbée du drame humain de l’immigration générale.
Pourquoi ce choix des Roms dont les effectifs, en France et en Italie, s’avèrent très inférieurs numériquement aux populations d’immigrés présentes sur ces terri- toires ? Pourquoi se préoccuper, à l’instar des Instances européennes ou des gouver- nements, de la condition alarmante des quelques dizaines de milliers de Roms d’Europe centrale ou balkanique qui végètent dans ces deux pays ? Le marasme économique qui pénalise des millions de citoyens de la Communauté européenne ne s’en trouve-t-il pas relégué à l’arrière plan? N’avons nous pas nos laissés pour- compte, nos chômeurs, nos mal logés, des millions de citoyens qui survivent de plus en plus difficilement à la lisière du seuil de pauvreté ? À quoi tient ce privi- lège d’occuper le devant de la scène médiatique, de monopoliser la sollicitude des plus hautes instances européennes et l’appréhension farouche des gouvernements ? Ces parias, que l’on dit habiles à tirer partie de leur misérabilisme ostentatoire, ne seraient-ils pas d’abord victimes de leur propre tradition « culturelle », d’une sorte d’auto-exclusion atavique liée à leur mode de vie errante ? L’entrelacement de ques- tions rationnelles et de préjugés n’est pas toujours facile à démêler. C’est l’un des objectifs de ce premier volet de l’enquête de montrer comment les représentations et les stéréotypes confortent l’inertie ou la malveillance officielle.

 

Le rêve du centaure : entretiens Pasolini-Duflot

de Jean DUFLOT, Pier Paolo PASOLINI

hors collection (A PLUS D'UN TITRE) | Paru le 28/02/2016 | 20,00 €

P-P-P : 

  « Celui qui consent à l’interview n’est plus un homme normal : il se retrouve dissocié, objectivement et subjectivement, et à proprement parler schizoïde. De surcroît il est subjectivement et objectivement ridicule. On n’interviewe pas — si ce n’est dans un but très vulgaire, pour la télévision, par exemple — le premier quidam venu, au demeurant capable de la plus extrême dignité. En revanche un homme « arrivé » a déjà perdu beaucoup de sa dignité. La superposition de sa « figure » publique et de sa « figure » privée exige des soins particuliers qui finissent toujours par être dégradants.

  Or je me suis toujours efforcé d’ignorer que je suis également une figure « publique », avec les devoirs que cela entraîne. Je me suis toujours conduit le plus mal possible, c’est-à-dire comme je le voulais. Mais ce fut plus fort que moi : une sorte d’autorité abominable que l’on m’attribue, au besoin même controversée, m’investit tout à coup et s’empare de toute ma vie ; je m’en avise, avec dégoût, surtout au cours des interviews, c’est-à- dire quand on m’interroge comme on consulte un prêtre, non sans quelque mépris — inconscient sans doute — du consultant. Dans ce rapport oral qui s’établit entre l’interviewer et moi il se passe quelque chose de monstrueux : les opinions que j’exprime — ni plus ni moins courantes que les autres — sont élevées a priori et de façon artificielle à un niveau supérieur, promues à la qualité d’« échantillons », présentées dans la perspective frontale d’une carte hagiographique ou holographique qui comprend tous les « arrivés », même les plus innocents. »

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