Entre deux gares
« Le temps nous est gare. Le temps nous est train ». C’est par cette citation de Prévert que l’auteur ouvre son récit. Le temps tourne, la terre bouge, le train s’ébranle, les silhouettes s’effacent à mesure que le quai s’éloigne. Pour le voyageur le temps du passage est celui de l’écrit, et ce qu’il donne à lire est ce qu’il voit, ce qu’il entend : son visage en reflet disparaissant pour laisser voir l’éclat des prés et des bois, le flamboiement d’un champ de coquelicots touché par la grâce du soleil levant, et la rumeur des autres pour établir la réalité du voyage d’une gare l’autre, d’un aller au retour, avec ce sentiment que « le visible n’apparaît que pour autant qu’il est regardé, éprouvé, questionné et finalement formulé »
Bonus
[Jean-Loup Martin, Brèves, n° 122, déc. 2023]
« Entre deux gares, “livre de méditations ferroviaires”, dans ces textes autobiographiques, l’auteur écrit, raconte, observe, rêve, lit, médite. […] À la fin de chaque texte, l’auteur note les noms des gares de départ et d’arrivée, la date du trajet. Chaque texte est ainsi inscrit dans un temps et un espace précis, limités. Et l’ensemble forme un récit infini, comme d’une naissance à une mort : “la vie qui va et vient avec tous ses vertiges” […] Mais ces textes sont aussi leçons de vie, de sagesse, sans emphase, sans pédantisme, tout en finesse : “Le train est une société idéale où chacun trouve sa place, même s’il reste des différences de classe et de prix” […] l’auteur nous fait “voir” avec une poésie méticuleuse les paysages, leurs couleurs […] Il nous dépeint aussi les personnes qu’il croise, avec qui il échange ou qu’il ignore, avec un réel talent de peintre de portraits. Et tout vit et tout vibre d’une vie forte et fragile, intense : les êtres humains, les paysages et naturellement les trains. […] Et nous apprenons ainsi à connaître un homme que l’on aimerait rencontrer (au hasard d’un voyage en train, peut-être). […] Ce merveilleux livre “relie” l’auteur à son lecteur et mérite amplement d’être “lu” et “loué”. […] La lecture de ce livre aura été une belle “aventure” en compagnie d’un voyageur-écrivain infiniment touchant dans son humanité. »
[Philippe Leuckx, La Cause littéraire, 18 sept. 2023]
« Et si, grâce au train, on voyait mieux et plus vite, et si on assistait à des fulgurances : les pensées ferroviaires d’un jeune auteur, né en 1975. À force de regarder par la vitre, l’écrivain se fait ethnographe et repère dans les vies ordinaires ou mal accordées les pulsations du réel […] Un vrai regard donc, aigu, pointant les reliefs du vécu.
Les paysages, découverts à contresens de la marche, défilent, telle une vie, avec ses laideurs (l’auteur n’aime guère tags et graffitis), ses surprises, ses beautés. Sans cesse, l’auteur observe ses semblables pris aux rets de la distraction et du sommeil, pointant leur beauté, leur grosseur, leur tendresse.
Les petits billets, d’une page à quatre ou cinq, toujours datés, déroulent la vie, chronologiquement, comme si prendre le train pouvait, au bout du feutre des carnets, la ralentir, la mesurer, la rendre plus belle peut-être. Un art, insigne, du détail, relaie le moindre regard vers les rails, les arbres, les gens : un art pointilliste, sans doute, qui vise à recueillir le réel, presque sans interposition, dans la coulure lente des choses. […] Le journal de l’autre se dévoile, se nourrit, jour après jour, tâche après tâche.
Peut-être sommes-nous toujours entre « deux gares », à attendre l’éventuelle surprise, l’éclat de nouveauté, l’intrusion du beau dans l’ordinaire banal de nos vies ? Seppoloni est un écrivain fureteur, à l’image de Jacques Réda qu’il cite souvent, un promeneur du réel.
Récits de départs, de retours, signes de l’enfance ou des paradis perdus, les trajets notent au plus profond les aspirations d’un écrivain fasciné par le rail et ses avalanches d’impressions.
“Voyager en train est une façon douce d’apprendre à disparaître”, p.82. “Tous ces trains à l’arrêt, tous ces trains au départ, ces mouvements arrêtés toujours recommencés”, p.147. Le livre, inépuisable comme une chronique, cite sur la fin plusieurs fois le travail de l’admirable Ozu, qui commençait ou finissait ses films sur des plans de gares et de rails, comme dans le plus beau film du monde, Voyage à Tokyo (1953). »
[M.T.D. et P.E., Les Notes, 11/04/2023]
« 1989 : l’écrivain-narrateur a quatorze ans. C’est son premier voyage seul en train ; il se souvient de son angoisse à la vue de la silhouette de ses parents s’éloignant sur le quai. Depuis, il n’a cessé de prendre le train, depuis les montagnes d’Isère où il vit : Pontcharra-Paris, Valence ou Grenoble ; Lyon-Paris ou Chambéry ; TER ou TGV ; hiver comme été, au petit matin ou à la nuit tombée, de sa place assignée ou choisie, il rend comptes ur son carnet de « la vie du rail ». Ici une famille, des conversations, des jeunes et leur téléphone, une personne isolée, les allers et venues … les paysages qui défilent […]<br> Lionel Seppoloni est un conteur. Par voyages interposés, il témoigne dans une jolie langue factuelle et littéraire, avec une certaine nostalgie, du temps qui passe, par portraits et paysages interposés, sorte d’inventaire, dont certains seraient inédits,d’autres familiers. Mais qu’importe puisque, dit-il “j’écris d’abord non pour être loué, mais pour me rassembler et me relier au monde.” »
Fiche technique
Prix éditeur : 16,00 €
Collection : E la nave va
Éditeur : LA CHAMBRE D’ÉCHOS
EAN : 9782913904804
ISBN : 978-2-913904-80-4
Parution :
Façonnage : broché
Poids : 202g
Pagination : 164 pages