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l'autre LIVRE

TEMPS QU'IL FAIT

Les éditions Le temps qu’il fait, dont le nom s’inspire d’un titre du poète libertaire Armand Robin (1912-1961), ont été créées par Georges Monti en 1981.
Leur catalogue s’est développé dans une grande indépendance à l’égard des doctrines, modes ou influences du moment, guidé seulement par le goût des livres, l’amour de la littérature et la confiance peut-être un peu désuète dans la portée politique du langage — qui peut faire de l’expérience d’un seul le bien de tous.
Balançant, depuis leurs débuts, entre la figure (passablement péremptoire) de l’«éditeur d’honneur» et celle (trop réservée) de l’«éditeur introuvable», elles ont publié au cours de ces 40 années d’artisanat obstiné près de 700 titres dans lesquels on devine leur passion sans exclusive pour la langue et leur intérêt non moins ouvert pour les images.
À toute «stratégie» éditoriale (dont, au reste, elles n’auraient pas eu les moyens) elles ont préféré la constitution, pour ainsi dire élective, d’un ensemble d’auteurs originaux, d’une addition de talents singuliers et l’affirmation d’un choix délibéré de livres qui valent avant (et après) tout par l’intensité de l’écriture, des livres qui (comme l’a écrit Giorgio Manganelli) «veulent la relecture».

Assumant pleinement leur statut de petit éditeur, elles poursuivent désormais, non sans faire, avec plusieurs autres, ce constat quelque peu désabusé : le rétrécissement de leur rôle (poisson-pilote ou voiture-balai), la raréfaction des grands lecteurs, l’accroissement des coûts réels de diffusion, la diminution de la reconnaissance médiatique ne sont que les symptômes apparents d’un profond bouleversement de la vie du livre — dont il incombe à chaque acteur, de l’auteur au lecteur en passant par tous les médiateurs possibles, de retarder la déconfiture, avec acharnement.

Adresse : 456 Route de Bertranot
33210 Mazères
Téléphone :05 56 62 74 39
Site web :http://www.letempsquilfait.com
Courriel :nous contacter
Diffusion :Les Belles Lettres
Distribution :Les Belles Lettres
Représentant légal :Georges Monti
Forme juridique :EURL
Racine ISBN :978286853
Nombre de titres au catalogue :710
Tirage moyen :1000
Spécialités :Littérature

Flânes dans la Nouvelle Athènes

de Bénédicte CARTELIER

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 18/10/2024 | 24,00 €

«Flâner est une science, c’est la gastronomie de l’oeil. Se promener c’est végéter, flâner, c’est vivre» écrit Balzac — soufflant par ces mots sa méthode à l’auteur : celle-ci n’a pas arpenté, pas inventorié les sites présumés immanquables, elle n’a pas épuisé ce quartier de Paris qui ne couvre pourtant qu’une partie de l’arrondissement particulièrement artistique, le neuvième, où elle vit. Les rues l’occupent — car «il y a beaucoup de morts dans les rues de Paris. On ne le sait pas assez. Dieu merci, ce sont surtout des hommes» —, elle s’intéresse aux places, à un passage, une cité, mais aussi aux églises, aux squares, aux hôtels particuliers et, pour finir, elle ressuscite des lieux perdus, effacés par le temps, l’évolution des mœurs ou la démolition. Elle s’étonne, s’amuse, raille quelquefois et se souvient de ce que la littérature conserve, de plus ou moins caché, entre les pages du grand livre de la ville.
On suit avec jubilation ce guide fort peu touristique, qui sait comme nul autre tenir notre curiosité en éveil par une érudition soutenue mais jamais pesante, et un humour constant.

Choisir ses morts

de Julie NAKACHE

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 18/10/2024 | 18,00 €

« Des fils invisibles relient l’histoire d’Éliane et celle de l’empoisonneuse, des passages, des lieux, des émotions ou des réflexions. Les liens nous questionnent, interrogent nos relations aux autres. La guerre ravage un pays, la vie, l’amour continuent d’être vécus. L’Algérie de mon père est morte. Anoun, mon grand-père, enseveli avec elle, comme le corps des Algériens noyés dans la Seine, enterrés à la hâte dans des fosses communes. À quels fils se raccrocher ? Les révoltes paysannes n’ont pas cessé avec l’échec de la Fronde. À l’époque de la Marquise, la misère et les répressions sanglantes s’abritent derrière le sourire des rois. L’époque façonne-t-elle les femmes à la mesure de sa violence ? »
Dans ce roman très intime, Julie Nakache entremêle à une histoire personnelle — celle d’une grand-mère « enchaînée à la famille et à la loi des hommes » dans l’Algérie coloniale — l’histoire de la Marquise de Brinvilliers, au centre de l’« affaire des poisons », qui secoua la cour de Louis XIV. Elle trouve ainsi, entre le récit familial et le récit historique, des échos nombreux et constants qui annulent les considérables différences d’époque, de pays, de milieu. C’est que la condition des femmes n’a guère changé en trois siècles. Et ce n’est pas sans effroi qu’on constate que les deux figures de femmes libres que nous dépeint ce livre répondent fatalement à la violence par le meurtre.

La vie sous les bombardements

de Ibrahim KHASHAN

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 06/09/2024 | 16,00 €

Au lendemain du massacre du 7 octobre et dès les premiers jours d’une riposte impitoyable dans la bande de Gaza, Ibrahim Khashan, infatigable militant pour la paix et la justice en Palestine et dans le monde, commence à écrire de brefs et puissants récits de vie sous le feu de l’armée israélienne. Ces courtes chroniques nous peignent sans emphase ni misérabilisme le quotidien tragique du peuple gazaoui. Pour autant, elles ne sont pas exemptes d’une certaine poésie, car l’homme, au-delà de ses engagements, est écrivain, poète et conteur.
[…]
Comment un homme, nécessairement abattu par l’atrocité de la guerre et contraint par la peur, trouve-t-il en lui les ressources pour mettre en forme tous les trois ou quatre jours le récit sans retouche apparente d’une scène vue ou vécue, loin de tout discours institutionnel ou médiatique, presque sans psychologie, ni colère ?
Qu’est-ce qui le pousse à faire assidûment le constat concret, matériel, objectif, de faits ordinaires survenus dans l’extraordinaire de la guerre, à nommer les lieux et les personnes les plus humbles, enfants, femmes et pauvres gens — ceux qui semblent ordinairement le moins destinés à entrer dans la mémoire du monde ?Sans doute Ibrahim Khashan sait-il qu’il incombe aux écrivains de rédiger l’histoire qui manque cruellement à son pays ; sans doute pense-t-il, avec Silvia Moresi, que « la littérature est la seule histoire possible de la Palestine ». On peut se réjouir qu’ainsi c’est une histoire moins officielle, plus diverse et complexe, qui se constituera.

Les Sentinelles de l’oubli

de Jérôme PRIEUR

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 14/06/2024 | 25,00 €

De la Lorraine à l’Aquitaine, de la Normandie aux confins des Alpes, de la Somme à la Corse, rôde une armée de fantômes. Dans chacune des 36 000 communes de France, les actes de bravoure ou les chagrins enregistrés dans la pierre sont aujourd’hui les stigmates intimes et les vestiges publics de cette guerre effroyable.
Le monument fait entrer la guerre dans la paix : dans chaque village s’est installée une religion civique, le culte de la Nation allant de pair avec la mise en scène du roman national, reliant les Gaulois, les soldats de 1792 aux poilus de 14-18. Pour une fois il réunit le front et l’arrière, les soldats et leurs proches, toutes sortes de modèles permettant d’expérimenter ici le souci du réalisme et là l’onirisme le plus fantastique.
Tous les soldats de l’armée morte, eux, ne sont même pas là, près des leurs. Leurs proches n’ont pas
pu venir pleurer sur leur tombe, fleurir leur souvenir. Parmi eux, plusieurs centaines de milliers — leur nombre total même est incertain — de soldats sont restés inconnus, méconnaissables, non identifiés, disparus, âmes errantes… Des morts qui n’en finissent pas de mourir pour ainsi dire, au terme d’une guerre qui a inventé non seulement la mort industrielle mais la destruction même des morts au fur et à mesure de la guerre de position, des attaques et des contre-attaques sur le même terrain…

Pour dire adieu

de Jil SILBERSTEIN

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 19/04/2024 | 21,00 €

«Émouvantes à proportion de leur extrême économie : telles s’offrent à nous bon nombre d’épigrammes relevées à même les tombeaux grecs des époques classique, hellénistique, romaine et byzantine.
Un chagrin pénétrant et tendre s’y exprime le plus souvent ; une qualité de recueillement auquel il est rare que se mêle ce pathos qu’on sait accompagner les figures tragiques campées par Sophocle ou Eschyle.
Quant aux stèles et aux figures sculptées qu’elles montrent, je ne me lassais pas d’en photographier ici et là les précieuses images.
Portant au plus vibrant de moi ces représentations toutes de sensibilité et de justesse, à l’évidence sœurs des épigrammes élégiaques, voilà quatre décennies que me surprend ce fait que nul, pour l’heure, ne songea à rapprocher — jusqu’à les réunir — ces deux versants d’une même méditation sur un aspect central de notre condition — l’Impermanence. Sur ce que celle-ci engendre de tragique, sans pourtant parvenir à compromettre le dialogue entre des êtres qui pour de bon se sont aimés. Quatre décennies que je me dis qu’il serait temps de remédier à la chose.» — J. S.

Gris Bastille

de Thierry ROMAGNÉ

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 15/03/2024 | 16,00 €

un homme hantant le quartier de la Bastille autant qu’il en est hanté
constate étonné
que le nuage gris du comportement corporate
en glaubiche dans le texte
est en train de se répandre sur cette place
de prendre toute la place
et de supplanter le troisième terme
de notre vieille devise républicaine
la fraternité
bientôt réduite
en cendres
sur la terre
comme dans l’eau de la Seine

faut-il s’y résoudre
faut-il absoudre
faut-il en découdre

L’obscur tympan du monde

de Gérard MORDILLAT

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 12/02/2024 | 21,00 €

Le livre

«Le poète est un voyant au présent et du présent, pas un mage ou un sorcier, interrogeant les signes et les visions. J’aime penser aux poèmes que j’écris comme des textes “d’intervention”. C’est-à-dire des citations du temps, fixés dans l’histoire par des mots taillés en pointes. Interventions également sur le champ littéraire dans la mesure où ils ne s’enferment pas dans un code de lecture ; qu’ils ne peuvent se réduire au lyrisme individuel, à l’objectivisme, à la fable, au narratif, au didactisme, à la glossolalie. La poésie n’a pas de limites comme elle n’a pas de raison. Qu’elle ne soit pas « cadrée » ne signifie pas qu’elle soit sans règles, sans contrainte. Au contraire.
[…]
Écrire de la poésie, c’est avoir faim. C’est discerner le mot exact dans l’obscurité du temps, entendre le son juste au milieu des clameurs de la jungle, fixer un état incandescent de la conscience. Le poème signe toujours un éclair de lucidité.» — G. M.

Bibliothèque tournante

de Gérard MACÉ

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 19/01/2024 | 25,00 €

«Rassembler en un volume des entretiens, c’est transformer des mots de circonstance en livre pour dessiner rétrospectivement un parcours?: les entretiens cessent alors d’escorter la parution d’un livre pour esquisser une trajectoire, donner à lire des inflexions et des continuités, apprécier une œuvre en mouvement, avec ses accords et ses basses continues. Et par leur juxtaposition, les entretiens deviennent un livre supplémentaire qui s’ajoute aux précédents, mais sans les surplomber?: s’invente là un autre régime de la parole littéraire, entre la spontanéité de la conversation et la recherche de l’écrit, entre la réponse vive aux injonctions du présent et le temps de la réflexion. Les livres de Gérard Macé sont déjà tout entiers dans cette alliance entre la souplesse de l’oralité et l’érudition livresque, les souvenirs des patois de l’enfance et la conquête de la bibliothèque.» – Laurent Demanze

Chevaux

de Pascal COMMÈRE

Corps neuf (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 03/11/2023 | 12,00 €

Un enfant mène en solitaire une existence décalée, dans l’ombre des grands chevaux et le souffle de leurs naseaux sur la paille. Entre une mère bientôt endeuillée, un frère qui lance des cailloux dans les vitres, et un père qui, peu après, se tuera à l’entraînement, il laisse s’installer en lui cette lente fascination qui le conduira à devenir lui-même jockey. En parallèle, avec un bout de crayon, sur des bons de commande ou de vieux catalogues, l’enfant confie sa détresse à la présence bienveillante des chevaux. Ainsi, et comme on apprend à se tenir en selle, se fait ce long apprentissage de l’écriture qui lui permettra un jour de tracer la première phrase de la lettre qu’il adressera à Monsieur le Comte et qui décidera de sa vocation.

Marcher à l’estime

de Patrick CLOUX

Corps neuf (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 03/11/2023 | 10,00 €

«Qu’est-ce que je cherche si ce n’est une conscience élargie ? Cet éternel rebond de vivre qu’il faut gagner sur l’effacement, sur l’émiettement, ces cailloux qu’il faut lancer à tant d’orties. Je cherche une surnature, un chevauchement des formes pour quitter les pétrifications mentales, les congères sociales, le défilé de mode des idées. Je crois trouver à ces riens, à ces bricolages un peu saugrenus à partir d’objets souvent élémentaires, une poétique des choses et de leurs relations qui délivre des emprises et conjugaisons trop déclinées.»

Voici le livre de Patrick Cloux qui aura rencontré le plus de lecteurs. Paru d’abord il y a tout juste trente ans, un peu en avance sur son temps, il touchera des amoureux de la marche autant que des amateurs d’«objets de nature».
Conçu dans la mouvance des peintres et des poètes du Land Art, ce traité d’émerveillement ne pèse rien dans un sac à dos. Il célèbre les formes naturelles et les oeuvres de fortune que la liberté vive des chemins nous distribue en abondance.

Jacques Bibonne

de Jacques LÈBRE, Lydia HARAMBOURG, Nicole EUVREMER, Gilles ORTLIEB, Jacques REDA, Cécile A. HOLDBAN, Thierry GILLYBOEUF, Thomas IVERNEL, Alain LéVêQUE, Jean-François ROLLIN

Art (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 20/10/2023 | 27,00 €

« Si le sujet demeure irremplaçable pour sa démarche créatrice, c’est de lui que tout part. Matrice, il se fait discret en s’éloignant du leurre figural sans rejeter le motif constitutif de l’image de la réalité visible qui lui résiste. La banalité de la transcription cède devant une perception murmurée, transfigurée par la substance picturale, l’indicible chuchotement chromatique de sa palette et la lumière diffuse. Le peintre cherche alors le passage et le raccord d’une forme à l’autre. Au réalisme exsangue il répond par la vertu sédimentaire des choses et crée une autre réalité. Celle de la peinture vécue comme une lente méditation dans laquelle le temps a sa part et dont toute sa peinture rend sensible la présence, mieux, en en faisant le substrat de son art. » — L. H.

Où est mon pays ?

de André FRENAUD

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 15/09/2023 | 22,00 €

Longtemps paralysé en face de l’écriture, André Frénaud (1907-1993) est né à la poésie la trentaine passée. En pleine guerre, alors qu’il revient en France muni de faux papiers après deux ans de captivité dans le Brandebourg, Paul Éluard accueille chaleureusement ses poèmes. Quelques-uns de ceux-ci paraissent dans la clandestinité à l’enseigne des éditions de Minuit, sous le pseudonyme de Benjamin Phelisse. Aussitôt remarquée par Louis Aragon et René Char, cette voix s’avère d’un expressionnisme unique dans notre langue. Des liens et souvent des amitiés vont alors se nouer entre cette personnalité aussi tourmentée que généreuse et nombre de poètes et peintres qui auront marqué de leur empreinte la poésie française au XXe siècle.
André Frénaud savait que ses longs poèmes, lesquels avaient sa préférence, livraient des clés essentielles de son univers. Il rêvait d’un recueil qui en fît la démonstration. C’est désormais chose faite.

Les Morts-vivants d’amour

de Martin LARTIGUE

Art (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 07/07/2023 | 20,00 €

«Poursuivi par une petite anarchie sentimentale, tout en étant en écart-retard, poser un système qui n’en est pas un, car c’est impossible de rentrer dans un système si on veut rester libre d’être guidé par un instinct qui nous est commun avec les chats, c’est-à-dire retomber sur ses pieds.
On peut faire exprès de manquer de technique pour jouer avec l’équilibre.

Premier jet en 2009 au crayon pour faire BD dans un fanzine.
Remis de la couleur en 2020, 21, 22 pour s’en remettre.

C’est pas moi, c’est l’autre.»

Je cherchais un pays

de Jean-Pierre FERRINI

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 11/05/2023 | 25,00 €

Au départ, j’ignorais que les parties qui composent Je cherchais un pays n’étaient que les chapitres d’un livre que je porte en moi depuis longtemps. Il a fallu que je commence à en entrevoir la fin pour comprendre que chaque texte se répondait en se complétant jusqu’à former un cycle qui raconte désormais une même histoire. Quand j’ai commencé d’écrire, la forme fragmentaire était celle qui s’imposait, ce que j’appelais mes «difficultés infinies». A débuté alors un long détour qui s’achève en quelque sorte avec la publication de ce volume (un second est en préparation). Gustave Courbet, Cesare Pavese ou les poètes iraniens sont ainsi apparus comme des guides dans mes pérégrinations. J’écrivais sur eux et ils me permettaient de coordonner quelque chose de moi-même, le pays que je cherchais, une enfance franc-comtoise, des origines italiennes ou celles, persiques, de la femme qui partage ma vie. Dans l’un et l’autre cas, le topos était littéraire : retour au pays, voyages en Italie et en Orient. La lecture se transformait en une «expérience singulière», jouait le rôle de trait d’union entre l’essai et le récit, un récit autobiographique ou d’apprentissage ou ce qu’on pourrait désigner par le terme d’«autopographie». — J.-P. F.

Momie

de Gérard MORDILLAT

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 21/04/2023 | 20,00 €

«En filant vers le métro, Drag s’astreignit à récapituler tout ce qu’ils avaient en magasin : un, une lettre du Poète : “il ne mourra jamais”; deux, le Poète, qui avait suivi tous les matches de la Momie, n’était pas à l’enterrement, cloué sur un lit d’hôpital; trois, la Momie avait un jeune frère (Mômo) qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau; un pékin que personne n’avait jamais vu avant et que personne n’avait jamais revu depuis; quatre, le Poète était décédé chez sa mère, peu de temps après la Momie mais sa femme, Roberte, n’avait pu embrasser que le bois de son cercueil; cinq, sans hésiter, Roberte leur avait lancé des bouchées à la reine dans les dents; six, elle avait un fils capable de cacher des pavillons de banlieue derrière des murs de HLM; sept, ça commençait à faire beaucoup.»

Les deux acteurs principaux de cette farce sont un peu moins candides, moins bras cassés que leurs illustres modèles littéraires; ils ont quelque chose à voir avec leurs modèles réels et leur aventure n’est pas sans rappeler celle que l’auteur et le dédicataire de ce livre ont eux-mêmes vécue dans leur quête d’un écrivain mythique, un héros qui n’était pas précisément, dans la réalité, champion de billard. Ni pastiche de roman noir, ni roman à clés, cette fantaisie, qui ne manque pourtant pas de nous rappeler que «tous les témoins sont de faux témoins», le fait sur le mode jubilatoire de l’histoire à dormir debout.
 

En lisant en rêvant

de Joël CORNUAULT

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 20/04/2023 | 16,00 €

«Lequel précède l’autre : la lecture ou le rêve ?
«Une journée de Thoreau commençait par une marche énergique à travers bois. Beaucoup pratiquent l’inverse, attendant d’être lassés de lire pour aller se dégourdir les jambes. Un jardin derrière la maison, d’où l’on entre et sort, est un endroit bien fait pour entrecroiser pendant plusieurs heures la lecture et le rêve, exercer leur réversibilité. “Il y a un Extérieur à l’Intérieur et un Intérieur à l’Extérieur”, dit Blake.
«Que l’on commence sa journée en lisant et la finisse en rêvant, ou le contraire, une règle d’or me paraît valoir : le mot n’est pas un signe, le matériau pour des constructions logiques : il est un vécu; un rêve vécu.»

Érudition décontractée, goût du plaisir et de l’indépendance, art de l’effacement sont les richesses proposées en partage par le moins narcissique des écrivains dans cette promenade bachelardienne en compagnie d’auteurs admirés, nourrie d’images désordonnées et d’analogies éclairantes.
 

L'appartement de la rue Henri-Robert

de Jean-François BERTHIER

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 21/10/2022 | 16,00 €

Depuis l’immeuble, au bout de l’île de la Cité, «la vue sur la Seine était somptueuse». Tout jeune étudiant, l’auteur avait eu l’audace de sonner à la porte de l’appartement de Madame Roland, figure de la Révolution française, femme exceptionnelle au destin tragique. Bien longtemps après, l’homme devenu mûr, se retrouvant au pied de cet immeuble, a l’idée d’écrire des «histoires où quelques personnages de sa vie, ou de son imagination, passeraient tout à tour dans cet appartement». Des années de la Terreur à aujourd’hui, ce sont six récits qui traversent le temps, et sont arrimés l’un à l’autre par leur lieu unique et par leur thème commun, celui de la mort évidemment, autrement dit celui de la fin (fin d’une légende, fin d’une illusion, fin du désir…) qui parachève toutes choses en une construction savante à la beauté consolante.

La Main de la reine

de Daniel MORVAN

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 18/05/2022 | 18,00 €

«Seule, orpheline, élevée par une marâtre dans une île ingrate : si j’étais un personnage, on accuserait l’auteur d’avoir forcé le trait. Il ne tient qu’à moi, pourtant, de tirer avantage de ces bonheurs. J’ai la chance de connaître un veilleur qui admire des tableaux hollandais, un homme rongé d’une passion sourde, à moins que son esprit n’ait été submergé par une croyance farouche dans les esprits, et qu’il soit devenu gardien de phare pour abriter une raison vacillante, cernée par des aigles de nuit qui frappent au carreau. Il regarde des gravures à genoux et semble prier devant elles.»

Un reporter se rend sur une île des Finis Terrae pour enquêter sur les morganes et autres légendes de mer. Mais ce n’est pas une sirène qu’il rencontrera, c’est une adolescente qui vécut là un temps et finit par tenir le phare toute seule, une petite Hollandaise dont la figure absente va prendre consistance grâce au journal de bord qu’en «gardienne du futur» elle a rédigé. Peu à peu, et non sans inquiétude, il découvrira les aspirations de cette enfant perdue qui «grandit dans un brouillard de rêves», et déchiffrera les liens qui l’unissent encore, longtemps après son départ, à certains habitants de l’île (l’aubergiste maternelle, le veilleur taciturne fou de Vermeer, le carrier mélancolique), les liens qui se nouent en «quelque chose d’aussi vibrant et d’aussi beau qu’une tragédie».
 

Tambours debout

de Gérard MACÉ

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 08/04/2022 | 18,00 €

«C’est dans l’espace réservé aux morts qu’on a planté des Tambours debout.

Des tambours à fente, taillés dans des fûts qui ne donneront plus ni fleurs ni feuilles, et qu’on décore au ciseau à bois. Des gens de la ville nous ont demandé s’il y avait des poteaux «mâles» et des poteaux «femelles», des étrangers voulaient à tout prix que nos tambours renvoient aux origines, à un mythe oublié dont nos vieillards réciteraient encore des bribes…
»

Des accents d’utopie (peut-être même, par moments, de dystopie) colorent ces pages. Conçues en un bref ensemble de notes, écrites avec une grande liberté, elles se se distinguent de la production habituelle de l’auteur par une légèreté, une fantaisie, un humour qui peuvent surprendre. C’est là un petit livre qui ne se soumet qu’au caprice du rêve et à la poésie de la pensée sans entraves.

Un procès clandestin

de Adrien LE BIHAN

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 05/04/2022 | 20,00 €

«Dans mon Procès clandestin, aucun des délateurs, informateurs, espions et contre-espions qui gravitent autour de moi et de mon double ne trouve en nous des alliés. Nul geste de notre part ne leur est une invite s’ils ne s’octroient pas le privilège de l’interpréter ainsi. Lorsqu’une connivence imprévue se manifeste exceptionnellement entre nous et quelqu’un de leur monde, elle est le fruit d’une tentation étrangère aux principes qui les gouvernent.»

Ce roman, dans lequel la police secrète polonaise des années soviétiques joue un rôle majeur, est un roman vrai, vécu par l’auteur dans une sorte de longue hallucination. Agent supposé plus que réel de l’Occident, surveillé, menacé, manipulé puis piégé par l’implacable Sécurité, le narrateur fera son travail d’attaché linguistique, deviendra père puis époux, sera divorcé et légalement privé d’autorité parentale sur sa fille, traversera les remous de sa vie sentimentale sans jamais comprendre avec certitude ce qui lui arrive. Son existence lui fut, en quelque sorte, révélée des années plus tard par l’ouverture des archives policières où trois volumineux dossiers lui sont consacrés — comme s’il se fût agi de celle d’un personnage de fiction.

La bonté du clos

de Laurent GIRERD

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 18/03/2022 | 15,00 €

Parler de «haine du bruit» est-il déplacé quand on n’a connu ni ouragan ni bombardement ? Se dire irrité par un transistor voire par un sèche-cheveux dont les ondes traversent le plafond, n’est-ce pas se complaire dans l’exagération ? Le ronflement d’un moteur qui interrompt la concentration peut-il raisonnablement être considéré comme une agression ? Serait-il concevable de se présenter devant un médecin pour lui avouer que les musiques d’ambiance et les télévisions dans les cafés sont la cause de maux persistants ?
Ce livre est né du besoin de fuir les nuisances sonores quotidiennes tout autant que l’agitation du monde. Il est né du besoin de soigner une lésion, une déchirure.
Le repos phonatoire et le baume tranquille du silence sont apparus comme les remèdes les plus sûrs. Le clos s’est révélé un lieu décisif pour rejoindre «les rangs clairsemés des buveurs de crépuscule».

Présence au monde, plaisir d'exister

de Jean-Pierre OTTE

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 18/02/2022 | 21,00 €

«Je ne conçois de littérature que métamorphosante. Une littérature qui soit tout le contraire d’une complaisance ombilicale, d’un désir niais d’être admiré, d’un prestige égocentré dans un jardin de phantasmes. Par sa substance et ses signes ravissants, une littérature qui approfondisse notre présence au monde réel et établisse une atmosphère capable d’éveiller nos sens et de convier l’esprit à plus de sagacité. Toute vraie littérature passe par la personne et parvient à une espèce d’impersonnalité propre à chacun. Elle respire et inspire, elle professe la confiance, elle rétablit l’éternelle loi de réflexion, et, à notre doute et notre désarroi, nous fait comprendre que les moyens de métamorphose sont toujours en nous.»

Chroniques publiées au fil du temps dans des journaux et revues, ou lues à la radio, chacun de ces textes est le condensé de la philosophie de vie d’un poète, très peu théoricien mais très attaché à son inscription parmi les choses de la nature. Capable comme très peu de rafraîchir d’une formulation toujours nouvelle des sensations et des idées retrouvées, prompt à partager une vitalité jamais entamée par la routine, il distribue généreusement convictions et enchantements, et nous entraîne dans sa quête du merveilleux. Sans jamais le céder au simplisme, à la naïveté ou à la convention.

 

Ainsi parle le mur

de Pascal COMMÈRE

Littérature (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 18/02/2022 | 21,00 €

Attendant comme presque chaque jour celui qui est devenu pour lui une sorte de grand frère à la mort de son père, le narrateur, un enfant pour qui les mots sont un recours contre sa solitude, se confie au pan de mur contre lequel il prend appui. C’est alors que chacune des pierres qu’il effleure de la main lui raconte une histoire, puis une autre, une autre encore… Toutes ayant trait à des personnages dont l’ombre un instant, s’attardant sur le mur, laisse derrière elle un pan de vie, réel ou fantasmé, ainsi qu’en véhiculent les histoires ou les contes. Autant de facettes qui s’entremêlent, autant de voix dont la polyphonie, qui ne manque pas de poésie, instaure un univers, celui d’une enfance à la campagne en un temps, pas si lointain, où les villages n’abritaient pas que des néo-ruraux. Toutes choses que l’enfant, devenu adulte et habitant en ville désormais, aurait oubliées, si la nouvelle de l’accident tragique arrivé à Yan, le grand frère, ne l’avait brutalement confronté à un autre mur — celui d’un couloir d’hôpital cette fois —, en même temps qu’à une autre attente, au cours de laquelle il revoit, mosaïque aux couleurs tantôt vives tantôt blessées, ce qu’a été pour lui, instant après instant, cette étrange amitié dont seule une langue qui s’approche au plus près des mots peut rendre compte.
 

La nuit de Moyeuvre

de Gilles ORTLIEB

Corps neuf (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 14/01/2022 | 12,00 €

«Il restera, malgré tout, l’énumération des anges (Blettange, Florange, Gandrange, Tressange ou Œutrange, pour n’en citer que quelques-uns), qui en ont tant vu qu’ils peuvent maintenant se contenter de rester à jamais postés, muets, à l’entrée des agglomérations. Il restera le fronton des forges de Jœuf, où des familles de corvidés continueront de s’affairer, avec des cris de nouveau-nés, parmi les branches et les boules de gui. Ou encore, sur les places et dans les grand’rues, ces wagonnets de mines repeints et vernis, posés sur deux tronçons de rails; devenus pimpants bacs à fleurs pour proposer, du long, furieux et méthodique épisode de la révolution industrielle, une version bénigne et décorative, autant que les biches et faons tétant qui ornent, en fer filé, les façades récentes. Il restera, au lieu-dit Le Paradis, trois serrures d’or sur une porte de fer que personne ne pourra plus ouvrir. Et aussi, sur les trottoirs conduisant à l’écluse de l’Orne, les reflets d’une très fine poussière ocre que les pluies mettront longtemps à rincer tout à fait. […] Il reste la nuit de Moyeuvre-Grande, avec ses coteaux vaguement éclairés au loin et, visible dans l’entrebâillement des rideaux, une procession de petits nuages tirant sur l’orangé.»
Entré dans les services de traduction de l’Union Européenne en 1986, l’auteur a longtemps vécu à Luxembourg, quitté en 2012 au moment de la retraite. C’est de cet environnement particulier — où une certaine interrogation sociologique s’ajoute aux étonnements de l’espèce d’«exilé» qu’il fut durant cette période — que traite particulièrement cet ouvrage, d’abord paru en 2000, et qui reparaît ici dans une version augmentée.
 

Les emballements de Pierre Albasser

de Pierre ALBASSER

Art (TEMPS QU'IL FAIT) | Paru le 19/11/2021 | 33,00 €

d’entreprise, a découvert le monde de la libre créativité et l’a investi de sa fantaisie communicative et libératrice. Cette première monographie souhaite consacrer son univers merveilleusement stimulant.

«Albasser n’est donc pas un “brut” de l’art tel que l’entend le commerçant-peintre-théoricien, qui en définit jadis le profil. On le dit apparenté, franc, singulier, hors les normes, et bientôt probablement autre chose encore. Les exégètes et les historiens de l’art s’activent avec entrain à enrichir une taxinomie toujours plus segmentante, au service du marché de l’art, avide et friand de nouveautés. Pour s’exprimer, il recycle et détourne donc, s’empare de divers supports, son vocabulaire. Ils sont collectés en circuit court; accessoirement des œufs d’autruche de l’élevage voisin dans son village de Marsilly, essentiellement des emballages de produits consommés quotidiennement à la maison. Ce qui fait dire à Albasser : “Mes dessins reflètent notre vie, à ma femme et à moi”. Sans pudeur superflue.» (Pascal Rigeade)

«On sent qu’au fil des années s’est enracinée dans ce lutin malicieux comme une volupté goûtée à verser sans cesse dans l’expérimentation, cette dernière étant vécue comme une promesse d’enchantements sans nombre dressés dans la vie quotidienne.» (Bruno Montpied)