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l'autre LIVRE

ISABELLE SAUVAGE

 

  • Parallèlement aux « livres d’artiste(s) » publiés depuis 2002, les éditions isabelle sauvage éditent, hors des catégories trop définies, de la poésie, au pluriel du genre.
  • 8 à 10 titres par an.
  • 7 collections : « Présent (im)parfait », « Chaos », « Pas de côté », « 120° », « Singuliers pluriel », « Ligatures » et « Corp/us ».
  • Une volonté toujours : défendre des voix, des univers, les suivre, les accompagner.
Adresse : Coat Malguen, 295
29410 Plounéour-Ménez
Téléphone :02 98 78 09 61
Site web :https://editionsisabellesauvage.fr
Courriel :nous contacter
Représentant légal :Isabelle Sauvage / Alain Rebours / Sarah Clément
Forme juridique :Association
Racine ISBN :978-2-917751
Nombre de titres au catalogue :157
Tirage moyen :300
Spécialités :Poésie, récits, livres d'artistes

la prise du bus et 50 fois l'île du ramier vers seveso

de Pascale CABROLIER

Chaos (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/11/2024 | 22,00 €

Dix années de carnets constituent la matière de La prise du bus et 50 fois l’île du ramier vers seveso. Des carnets classés par ordre chronologique dans lesquels sont consignés les témoignages des reclus de l’espace public dans l’agglomération de Toulouse : des sans-papiers, des malades de longue durée… dont la parole et les corps en difficultés sont rendus à travers une construction littéraire quasi architecturale, comme si Pascale Cabrolier avait recours à ses compétences d’urbaniste pour mettre en mots le quotidien de celles et ceux qu’elle observe, accompagne et surtout écoute — après l’expérience de la maladie qu’elle a elle-même éprouvée et qui ouvre son récit.

Parce qu’en effet l’urbain n’est pas étranger à ces vies à qui la ville prétend parfois offrir une possibilité voire un refuge mais dont les cloisons sont factices lorsque « la peur c’est l’espace de la ville pour ces personnes dehors et dedans ». Des vies de déplacements, d’effacement quasi physique de soi pour ne pas être contrôlé et où chaque aller semble convoquer l’infinité des retours déçus, alimentée par une mécanique administrative qui ne cesse de dépersonnaliser les individus numérotés, fichés afin de les rendre toujours plus incomplets. Toujours plus irrecevables.

À l’usage d’une langue décomposée et d’une typographie fracturée, Pascale Cabrolier fait de la poésie une tentative pour confronter le lecteur à ces vies-là qu’elle réhabilite aux yeux de tous afin qu’elles soient considérées au-delà de l’effroi, de l’exclusion et surtout avec une humanité à retrouver quand « toutes les vies comptent ont de la valeur » et qu’on veut qu’elles ne soient pas « dévaluées ».

Là où je n'écris pas

de Veschambre, CHRISTIANE

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/11/2024 | 17,00 €

« “la poésie est une langue handicapée”
expliquais-je à ceux qui m’écoutaient

réveillée
j’ai su ce que je disais
inadaptée
par son handicap
à l’usage courant normal
elle est sans rampe d’accès
n’est pas plus

mais
manque
née avec

chaque poète ajoute sa langue handicapée
aux langues vivantes »

Nous les perçants

de Maryvonne COAT

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/11/2024 | 16,00 €

« nous les perçants laissent sur leur fin
les codes-barres leur ponctuation pénétrante
la vie ne les blesse plus la vie est ailleurs
nous la regardent se débattre encore pathétique petite chose
sur leurs corps lissés repassés
surfacés
l’audacieuse attraction de leurs parcs avides
nous dé-rangent la mort de son silence
la somment de taire ses peu-dits
la nouent aux arbres encore là
pendant que l’eau se glace »

 

Voir à perdre la vue

de Marie AUDRAN

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 17/06/2024 | 17,00 €

Dans le contexte actuel d’un monde rétréci, d’un repliement aussi bien politique qu’intime, Marie Audran s’interroge ici sur la nécessité de « fracasser le réel », à la recherche d’un geste vrai de réappropriation de soi. Proposant de « s’inadapter », de garder les « yeux grands ouverts » pour rencontrer « d’autres yeux grands ouverts ». De voir à perdre la vue, de laisser advenir le vertige du voir et du vouloir.

S’approchant de l’expérience des mystiques, qui n’a jamais été admise que sous couvert de « l’idée chrétienne de la hauteur, de la pureté, de la séparation d’avec la chair », cherchant à lire « en deçà et au-delà du sens » que l’on s’autorise et qu’on nous autorise, à voir et toucher ce qui est juste « là », « dans l’œil » et « entre les bras », toutes images inscrites dans le corps, tous sens confondus, c’est une appréhension charnelle, sensuelle — désirante — du monde qu’elle propose de mettre en jeu.

Ce récit semble avancer au fur et à mesure qu’il s’écrit, à partir de la scène inaugurale d’une rencontre cryptique qui se compose, se recompose, se dévoile peu à peu. Faite de réminiscences, de digressions littéraires ou artistiques, l’écriture dit cette quête d’un autre savoir, intuitif, d’une forme d’immanence qui laisse toute sa place à l’encore inconnu, l’insu — à la vie vivante, contre la pétrification du savoir et de la norme.

Paul les oiseaux (portrait)

de Erwann ROUGé

Pas de côté (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/06/2024 | 17,00 €

« Peux pas rester seul
Peux pas avec les autres

porte à la bouche l’écriture
des pattes d’oiseau

Paul dit          dit
avec le bout   le bout d’un doigt

Parle-moi      ne me parle pas
Ne me parle pas       vers moi »

Là où

de Caroline CRANSKENS

Pas de côté (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2024 | 7,00 €

La petite dans les jupes

de Nathalie B. PLON

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 12/02/2024 | 15,00 €

« elle faudra rien à dire à
découdre la résistance des pierres à
tenir une main pour des déterrements quand l’axe se tord
une boiterie depuis l’inventaire
[…]
faire son diaporama a perfect day pour dire au revoir
être une grande fille
à
se déchausser dans le noir à
entrer en silence

dans la cour des grands »

M

de Isabelle Baladine HOWALD

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 12/02/2024 | 13,00 €

« m    aime des filles de cœur, il y en eut plusieurs
    fille de son frère en premier

    encore cet été, une m’est passée devant
    il a fallu battre en retraite sinon la piqûre m’en­-
    dormait pour cent ans »

Je n'ai plus peur de rester là

de Lugrin ANGELA

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 10/11/2023 | 19,00 €

Alors qu’elle est exposée à une « panne d’écrire », un rêve s’impose à l’autrice, dans lequel quelque chose s’énonce sans se dire. Elle se laisse entraîner par les images oniriques gravitant autour de Marie Depussé, son amie disparue, et les déplie au fil du livre : le silence, la solitude, le soleil, le rouge à lèvres, une voiture blanche…

Angela Lugrin vagabonde dans cette arborescence d’images et y découvre peu à peu les linéaments de son désir d’écrire. À la confluence des « chemins d’errance » que le rêve autorise, se dessine progressivement un lieu depuis lequel écrire est possible. Dans ce lieu, la réalité tremble, les équilibres sont fragiles et les murs sans cesse à repousser pour maintenir le vivant dans l’air vigoureux du dehors, dans un « état de veille et d’éveil », une conscience aiguë.

Le silence qui a précédé ce livre n’avait rien d’inquiétant, il ouvrait la voie à l’acceptation d’un « je » fragmenté à la manière des visions magiques et sans cesse renouvelées des kaléidoscopes, un « je » énigmatique, pétri de tout ce qui l’entoure, depuis la moindre des choses jusqu’au soleil lui-même, ouvert à l’incandescence de toute vie. Un « je » qui n’a plus peur, enfin, de rester là.

Les cavités

de Laure SAMAMA

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 02/10/2023 | 17,00 €

« Quand je suis désœuvrée
quand un horizon trop large s’ouvre à moi
quand s’offrent tant de possibles
que le vertige me prend
je descends d’un pas mal assuré
je vérifie que tout est resté branlant
qu’elles sont toutes là
mes cavités en arrêté de péril
mes poches mal comblées. »

Les indications pour le corps

de Mathilde GIRARD

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 02/10/2023 | 17,00 €

« 42. Ce matin dans la voiture qui t’embarque
tu te poses des questions de position, de faute commise,
et de mémoire

43. Tu sais seulement que la guerre retombe quelquefois
de la montagne comme un éboulement

44. La guerre est descendue de la montagne pour venir
te chercher

45. La guerre qui n’est pas finie, ou qui a mal fini, c’est
elle qui te prend, qui te demande des comptes, qui te sort
du sommeil, qui te rattrape »

Ils restent

de Marie-Hélène LAFON, Éric COURTET

Ligatures (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 18/03/2023 | 25,00 €

« D’où viennent nos pères ? Qui sont-ils ? Que transmettent-ils ? Et qu’attendent les fils ? » sont les questions que pose Éric Courtet. Les non-dits balisent nos vies le plus souvent, et nous faisons avec, reconstruisant notre propre histoire et celles de nos aînés. C’est ce silence qui est ici souligné avec ces portraits de pères et de fils réunis, de tous âges, un « arrêt sur image » qui puisse enclencher une narration pour le regardeur, en territoire intime — une autre vérité.

Au-delà des ressemblances (ou leur absence) entre les sujets, c’est avant tout les jeux de regard, les postures et les gestes qui frappent. Tendresse ou dureté, pudeur, gêne ou affection, complicité ou timidité, malaise… ces sentiments, auxquels participent le décor et les tenues, ne sont pas donnés d’emblée mais évoqués par le hors-champ, l’au-delà de l’image. Derrière la frontalité apparente, quand bien même les sujets sont de dos, c’est une approche fragile de tous les nœuds éventuels, tous les secrets qui relient les pères et les fils ; les transmissions possibles ou rejetées, professionnelles ou de toutes sortes (le goût pour tel sport, la musique, la nature…) — en un mot : les racines, qu’on est invités à interroger, entre passé et futur, parce qu’ils restent, les pères, les fils.

Les racines ou les sources… Marie-Hélène Lafon, dont on connaît l’obsession dans ses livres pour l’arrachement et l’attachement à une terre d’enfance, s’est glissée entre ces images pour y proposer sa propre narration, sa propre lecture des silences. Par petits blocs de prose dense (et deux poèmes), elle redonne parole aux fils, et peu importe qu’on puisse retrouver tel ou tel élément des images dans ces textes, ils ne font surtout pas légendes parce que ce qu’on entend c’est une voix, où affleurent sentiments et sensations toujours paradoxales — humaines. Proposant une mémoire à ces fils, elle nous invite à son tour, avec Éric Courtet, à interroger la nôtre, à regarder ces visages, ces attitudes à l’aune de notre propre histoire, en écho. À lire la fragilité des généalogies et des filiations, comme, des arbres, « [la] peau, [le] grain, [les] velours. [Le] silence. »

Les ardoises de Franck André Jamme

de Nicolas PESQUÈS

Pas de côté (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/11/2022 | 25,00 €

Franck André Jamme (1947-2020) était un poète rare (on ne compte qu’une quinzaine de livres, plus des reprises ou des traductions en américain, aux éditions Unes, Virgile ou aux éditions isabelle sauvage principalement), resté assez confidentiel alors qu’il avait reçu en 2005 le Grand prix de poésie de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre. Celle-ci est marquée par l’art de l’épure, la profondeur et la simplicité afin de « rassembler presque tout dans presque rien », comme il le disait de la peinture tantrique qu’il admirait tant et dont il était spécialiste.

Le dernier été qu’il lui restait à vivre, il avait réalisé 28 ardoises, 21 en français et 7 en anglais, ensemble « testamentaire » qui avait été mis en ligne dès septembre 2020 par la galerie Hervé Perdriolle. Elles font partie des « petites formes » qu’il pouvait fabriquer, véritables œuvres d’art à poser ou accrocher. Ce travail a dû commencer vers la fin des années 1990, et avant de choisir les ardoises d’écolier comme support, il avait utilisé des feuilles de papier doré puis des miroirs. Dès 1998, il publiait déjà des poèmes de même composition dans des recueils, un par page, dont beaucoup sont d’ailleurs repris sur les ardoises. Une quarantaine de ces ardoises sont reproduites en couleur dans cet ouvrage, celles du catalogue d’Hervé Perdriolle, et une dizaine d’autres que Franck André Jamme avait offertes à ses proches ou ses amis.

Toutes ont en commun de proposer des poèmes courts, une seule phrase comme une maxime, un souhait, une recommandation, écrits sans espace entre les mots sur quelques lignes du même nombre de lettres correspondant au premier mot, un infinitif toujours : noter, penser, songer, imaginer, comprendre… Les sauts de ligne en dépendent arbitrairement, et dessinent carrés ou rectangles (souvent « ponctués » d’une ou quelques lettres en débord). La lecture en est d’abord totalement perturbée, obscurcie pour mieux permettre ensuite de déchiffrer ces pensées avec l’attention nécessaire qu’elles requièrent. C’était, pour lui, « se distraire pour une fois avec des lettres et des mots » — mais « un jeu où les pensées ne sont ni drôles ni ludiques ».

C’est ce travail sur la lettre que Nicolas Pesquès interroge, en un essai lumineux, hommage sensible à l’auteur de ces « brèves séquences textuelles » écrites au Tipp-Ex, sa poésie « ramassée, serrée », la « revivification » qu’il a opérée de la langue « ayant quitté son immobilité en se dressant autrement ». À ces « petites choses farouches qui brillent obstinément », ou capables de faire que l’œil puisse aussi connaître « des sortes de frissons », comme Franck André Jamme disait de certaines peintures tantriques.

Aïeule sauvage

de Fleur CORMIER

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 07/11/2022 | 14,00 €

Aïeule sauvage est la confrontation décapante entre une vieille femme de 92 ans, Marcelle, en maison de retraite, et Anne-Rock, la quarantaine, aide-soignante, aussi décalées l’une que l’autre, aussi lucides et rebelles. Rencontre inattendue, entre jeunesse et vieillesse, entre un corps plein et désirable et un autre effondré, dans le tutoiement de la mort de part et d’autre. Les deux femmes interviennent tour à tour, le plus souvent dans un dialogue intérieur, chacune vivant dans son monde tout en observant l’autre. Par ce jeu de passerelles et d’échos, une réalité se reconstitue. Se dessinent ainsi, sans fard, les lieux et les êtres qui les habitent.

Derrière la folle liberté qui se dégage de ces deux portraits, c’est « ce grand rien des jours » que Fleur Cormier livre à petites touches d’humour féroce, mais avec beaucoup de tendresse et d’humanité, qui sont peut-être le vrai gage d’évasion offert à ces deux femmes.

Déplier les silences

de Brigitte MOUCHEL

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 17/10/2022 | 14,00 €

« ils disent la mémoire réfugiée dans les jardins — un pommier
ils disent la mémoire plus dense par instants que la neige et bien étranges les pommes
ils disent les voix au loin du monde, une île — un pli recouvre l’enfant
la promesse non tenue, l’enfant au père qui se tue »

La Pandémiade

de Jean-Pascal DUBOST

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 17/10/2022 | 18,00 €

« la crise sanitaire, ç’a
fait de cette crise ma crise
de joie à ma grande surprise
en ce très-damné temps de quoy
bien on se ramenteverra
que naissait un virus qu’aucuns
nommèrent corona, qu’aucuns
autres covid, se mélangeant
les pinceaux plutôt vrai souvent,
ce fut c’était temps délétère
d’où sévit ce saint Sanitaire
dont je vais dire quoy, savoir
sa vie, sa légende et histoire »

Le transi des jours

de Chloé BRESSAN

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 20/09/2022 | 15,00 €

« Maintenant est un cri un à-mesure-de tes cris un à-mesure-de tes pas une fresque dans l’air et l’infini maintenant est un cri un à-mesure-de tes pierres transformées en actes. »

Ma peau de fille

de Muriel ROCHE

Pas de côté (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2022 | 7,00 €

Ma peau de fille est une suite de Polaroïds d’une enfance en province, dans ce qu’on imagine une petite ville, ou à la campagne. On est dans les années 70-80, comme l’indiquent quelques repères (la mobylette, le walkman, le mange-disques et l’ardoise magique, la Renault 12) et les références musicales. Le décor varie entre l’extérieur — champs, forêt, neige ou ruisseau —, et l’intérieur — un garage où s’entreposent toutes sortes d’objets, une salle de classe, une cour d’école. On passe d’« un corps animal, ramassé sur chaque sensation » à « des pensées extravagantes [qui] sortent de [la] tête ».

Une enfant se « plie dans la boîte en carton d’une panoplie de marquise » qu’on lui offre pour ses huit ans, « machine à fabriquer les filles ». La mère est conductrice de car, évoluant dans un monde exclusivement masculin, et lui offre, elle, les attirails du cowboy : « ma mère de mère en fille, si fière d’être de sa lignée ». Mais l’enfant tourne et tombe, s’égratigne, « même pas mal », quand la frêle danseuse dans sa bouteille enchaîne les rondes à tour de clé. C’est qu’il est si difficile de garder une place pour le garçon qu’elle abrite depuis qu’elle est née, alors que la société en son entier l’assigne à son rôle de fille. Coupée en deux, les premiers maux des filles (soutien-gorge = « rouge-gorge en cage ») et les crampons aux chaussures ou les Doc Martens, blouson et couteau en poche — quand il faut devenir femme, gonfler ses biceps devant la glace. Dans les jeux, les airs et les amours de garçon, faut-il « traverser [son] corps pour aller voir de l’autre côté » ?

Muriel Roche dans ce court texte touche au plus près ce qui se passe dans la peau d’une enfant qui comprend qu’il y a « d’un côté la fille et de l’autre le garçon […], ce que je perds et ce qui s’éloigne ». Les phrases, vives et épurées, sans apprêt, sans majuscule, quelques virgules et surtout des points d’interrogation — pas de point — s’enchaînent en interpellant le lecteur (« tu vois… ? » / « alors tu vois… ») et dessinent quelques tableaux qui donnent avec une grande justesse le tourment des sentiments, des sensations.

Julien le rêveur

de Christiane VESCHAMBRE

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2022 | 15,00 €

Julien est un grand rêveur. Non pas de rêves éveillés, mais de « vrais » rêves, ceux qui naissent pendant son sommeil. C’est de leur inaliénable puissance qu’il s’agit dans ce récit. Une puissance qu’ignorent les procédures de maîtrise, de pouvoir, mises en place par une société de la « communication », de « l’évaluation », de la « performance », toutes appellations qui recouvrent l’idéologie par laquelle on resserre l’étau autour de ceux qu’il faut rendre « profitables ».
La puissance des rêves ne peut être asservie : c’est ce dont Julien fera l’expérience — malgré ses tentatives « d’adaptabilité », un moment saluées par son agence polemploi.
Julien le rêveur n’est pas un traité sociopolitique mais une fantaisie, dont le cœur bat dans un « cahier de rêves », nourri, entre autres, de poètes aimés. Une fantaisie qui s’amuse aussi de son autrice, peu encline, avoue-t-elle, à « écrire pour raconter des histoires ».
Julien le rêveur est un conte politique et poétique.

Lieu l'autre

de Tristan MERTENS

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2022 | 14,00 €

« on s’enfonce entre
la terre et toi — à la rencontre
au silence on
s’enfonce la bruyère au centre
la lande indépensée l’arbre avec »

 

Second jardin (Drugi vrt)

de Lou RAOUL

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 01/06/2022 | 15,00 €

« disparaîtra
a déjà disparu
ce que Beris garde gardera ce qu’elle ne sait pas encore
sera baigné de silence et d’écho
sera baigné de lumière »

L'oubli, la mer

de Danielle LAMBERT

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 12/11/2021 | 15,00 €

En avril 2014, devant les caméras du monde entier, deux-cent-cinquante lycéens périssaient lors du naufrage du ferry le Sewol au large de la Corée du Sud. Devant l’inertie des autorités, la société coréenne en son entier fut dévastée par le naufrage, et se sont succédé enquêtes, condamnations, démissions ou suicides.

Si Danielle Lambert revient sur cet événement tragique, c’est en axant son récit sur le déni des autorités et la séculaire obéissance confucianiste, sur cette vérité noyée dans les profondeurs «?d’un insondable inconscient marin?». Surtout, c’est en établissant un parallèle avec la mort traumatique du frère, engloutie dans un océan d’oubli trompeur, en questionnant la déréliction, l’indifférence assassines, et la «?remontée lourde, accouchement inversé qui consiste à rendre le défunt aux siens à défaut de lui rendre la vie?».

L’oubli, la mer est un récit pudique mais accablant, à l’écriture tenue, serrée, où l’émotion est constamment gardée sur le fil.

Les caduques

de Maryvonne COAT

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 20/10/2021 | 14,00 €

« entre nous
deux
le nœud
se défaire
seul
chacun
de l’autre
l’un
le nous
que nous formions
n’a plus
sa folie d’être
au corps


//

 

au corps
d’être
n’a plus sa folie
que nous formions
le nous
l’un l’autre
de chacun
seul
se défaire
le nœud
deux nous
entre »

 

Le nom d'un fou s'écrit partout

de Sandrine BOURGUIGNON

singuliers pluriel (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 20/10/2021 | 17,00 €

C’est le corps-à-corps obstiné avec les mots et les images de Fernand Deligny (1913-1996), éducateur hors du commun, cinéaste, écrivain et poète, qui est au cœur de cette biographie romancée. Deligny s’est acharné à « creuser dans la langue » pour y « chercher l’interstice », à ramasser les « petits copeaux de langage » qui tombent parfois du silence des autistes ou autres adolescents jugés incurables par les institutions — plutôt que leur apprendre à parler, apprendre à se taire soi-même, les écouter, les regarder. Et les dessins, les feuilles volantes, les images filmées, les gestes, les silences, beaucoup de silences, et puis les fameuses « lignes d’erre » qui retracent le trajet des enfants dans les aires de séjour qu’il a inventées pour eux dans les Cévennes. Car au-delà, il est aussi et avant tout question d’interroger « l’homme-que-nous-sommes », et de créer ainsi de nouvelles façons d’être au monde.

Sandrine Bourguignon s’empare du sujet à bras-le-corps. C’est une adresse à Deligny, une longue lettre en quatre parties, une biographie en miettes, et exhaustive. Qui épouse ses convictions au plus près, se faisant elle-même « le scribe d’un langage qui n’existe pas », et peut-être d’autant plus qu’elle s’autorise, ici, à imaginer, à intervenir quelques fois, mais sans jamais forcer les portes.

« Vous comparez l’écrivain à un alpiniste qui s’encorderait au lecteur. […] Alors je tourne les pages une à une. / Et nous voilà désormais encordés. »

La hure-langue

de Roland CORNTHWAITE

Présent (im)parfait (ISABELLE SAUVAGE) | Paru le 20/10/2021 | 17,00 €

« et c'est ici

d'où rejoindre l'enfance

ni cochon ni sanglier

et non plus l'innocence »