Ce recueil propose un choix large & essentiel des poésies de l’auteur, recueillies à l’origine dans le volume Poésies diverses de ses Œuvres complètes. Dans la Préface, Chateaubriand évoquait ses expériences prosodiques, fort peu publiques. Les considérations suivantes en sont extraites.
«Si vous avez écrit plus de vers que de prose, ou plus de prose que de vers, on vous range dans la catégorie des écrivains en vers ou en prose, d’après le nombre et le succès de vos ouvrages.?¶ Si l’un des deux talents domine chez vous, vous êtes vite classé.?¶ Si les deux talents sont à peu près sur la même ligne, à l’instant on vous en refuse un, par cette impossibilité où sont les hommes d’accorder deux aptitudes à un même esprit.??¶ On avait divisé les facultés de l’esprit comme les classes de citoyens. Nous avions nos trois ordres intellectuels, le génie politique, le génie militaire, le génie littéraire, comme nous avions nos trois ordres politiques, le clergé, la noblesse & le tiers-état : mais dans la constitution des trois ordres intellectuels, il était de principe qu’ils ne pouvaient jamais se trouver réunis dans la même chambre, c’est-à-dire dans la même tête.?¶ Il était tout simple que dans une monarchie militaire où l’on n’avait besoin ni de l’étude politique, ni de l’éloquence de la tribune, les lettres parussent un amusement de cabinet ou une occupation de collège.?¶ Je faisais des vers au collège, et j’ai continué d’en faire jusqu’à ce jour : je me suis gardé de les montrer aux gens. Les Muses ont été pour moi des divinités de famille, des Lares que je n’adorais qu’à mes foyers.»
L’esprit de ces poèmes se caractérise par une mélancolie lyrique & agreste, prévilégiant la solitude dans une nature rousseauiste & presque baroque & le retrait du monde: le secret d’un génie jeté dans une société mondaine & politique qui ne lui correspond pas. Ces vers aux mètres changeants et, pour l’époque, assez libres (ainsi que Chateaubriand ne manque pas le suggérer lorsqu’il les publie après les bouleversements formels du romantisme) datent pour partie de sa jeunesse, des années 1790, et pour partie du début du dix-neuvième siècle.
Selon la forme de la collection Polychrome, ce livre présente une composition originale, une impression noir et pluri-couleurs sur un papier ivoire aux cahiers brochés, avec lettrines et ornements.